SOLLICITATION DU SPECTATEUR
- Pratiques de l' IN SITU :
► CHIHARU SHIOTA née en 1972 au JAPON
(Née à Osaka, vit et travaille à Berlin).
Ses installations sont spectaculaires car elles combinent espace, objets et ficelles qu'elle tisse comme une araignée. L'espace qui réceptionne ses installations est alors envahi par les fils, et le spectateur peut déambuler à l'intérieur et profiter des différents points de vue. L'installation est faite en fonction du lieu, c'est donc une oeuvre In-Situ et éphémère, qui dure le temps de l'exposition. le fil devient graphique, comme un dessin en trois dimensions, et noirci l'espace de ses lignes, à moins qu'elle n'utilise du fil rouge. C'est une sorte de réseau graphique reliant les surfaces des murs (le sol avec le mur, le mur avec le plafond...) et les objets qui y sont intégrés ont une signification symbolique et contribuent à la narration d'une histoire que le spectateur peut se raconter. Ils deviennent mémoire. Ainsi a t-on pu voir des valises, vêtements, valises, chaussures, clés pris dans la toile arachnéenne. Les fils englobent et mettent à distance à la fois le spectateur.
« J’ai choisi le fil pour matériau, car il reflète les sentiments : tout comme eux, il peut se mélanger à d’autres, se nouer, se desserrer ou bien être coupé.... « Cette couleur (le noir) est la plus efficace à mon sens pour provoquer un sentiment de profondeur et perturber un lieu. » Chiharu Shiota.
Elle travaille simultanément la présence et l'absence, l’instant et le passé, le plein et le vide, le figé et le mouvement. Elle convoque les notions d'intimité et de proximité, de séparation
"J’ai été formée à la peinture et au dessin au Japon. J’ai trouvé rapidement la feuille et la toile trop contraignantes. J’ai alors imaginé un autre moyen de dessiner, dans l’espace, avec des fils de laine et de coton qui forment aussi une ligne, un tracé.
La souplesse du matériau me permet de tendre ou distendre le matériau, à l’image des relations humaines. Tisser dans les airs, seule ou en groupe, est une forme de danse. Je le vis comme une méditation, un monde parallèle, comme les moines zen des temples japonais qui tracent chaque jour un nouveau jardin de pierres."
Ci-dessous, vous pouvez voir le processus pour l'oeuvre "Other Side" (de l'autre côté) 2014 , le travail s'est fait avec une équipe. Pour cette installation à Towner à Eastbourne (Angleterre) , il a fallu 10 jours de travail avec une douzaine de personnes.
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Other Side 2014 Easbourne |
Les deux bateaux sont comme deux mains qui récupèrent une pluie de souvenirs, les clés étant reliées à la mémoire, à l'histoire de chacun. Mais c'est aussi une oeuvre qui convoque l'idée du voyage, de la traversée (la traversée des souvenirs ?). L'oeuvre est encore une fois in situ. il aura fallu deux mois à Chiaru Shiota et son équipe pour l'installer.
Dans ces installations Chiaru Shiota sollicite le spectateur qui est invité à rentrer dans l'oeuvre, à l'expérimenter, à faire le voyage que l'artiste met en place. Il est le réceptacle de sensations, de sentiments, de connexion avec le message de l'artiste. L'oeuvre se visite, la déambulation est un des éléments clés de l'oeuvre.
« Un jour, après avoir vu, sur la table, la nappe au motif de fleurettes rouges, j'ai porté mon regard vers le plafond. Là, partout, sur la surface de la vitre comme sur celle de la poutre, s'étendaient les formes des fleurettes rouges. Toute la pièce, tout mon corps, tout l'univers en étaient pleins » Yayoi Kusama.
Elle va alors commencer à travailler sur le motif : le pois. Elle partira aux USA pour rencontrer la scène artistique avant-gardiste. En 1973, fatiguée mentalement, elle rentre au Japon et vit à l'hôpital psychiatrique à Tokyo où elle dispose d'un atelier.
Elle crée des installations avec miroirs, ballons rouges, jouets dans lesquelles elle se met en scène.
En 2013, elle fait une intervention in situ sur le cours Mirabeau à Aix en Provence et plus particulièrement les platanes qu'elle recouvre d'un tissu rouge à pois blancs. "Ascension of Polka Dots on Trees" (Ascension des pois sur les arbres), la ville est contaminée par ses pois, ils envahissent le lieu;
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Yayoi Kusama "Ascension of Polka Dots on Trees" 2013 Installation In Situ Aix en Provence |
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Yayoi Kusama SPIRITS OF THE PUMPKINS DESCENDED IN THE HEAVENS 2017 vue de l'installation au Musée d'Art Moderne et Contemporain de Nusantara (Musée MACAN) |
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Yayoi Kusama dans son installation "In Infinity" à Stockhom en 2016 |
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Daniel Buren "les deux plateaux" projet d'aménagement de la Cour du Palais Royal 1986 maquette bois carton mousse papier 22.5x94.5x69.5 - Pratiques du READY-MADE : Est-il nécessaire de rappeler ce qu'est un ready-made ? Ce nom donné par Marcel Duchamp à partir de 1915 aux objets "tout faits" qu'il s'approprie et signe sans intervenir ? Ces objets changent de statut, perdent leur fonction première et deviennent des œuvres d'art selon la volonté de l'artiste. Marcel Duchamp "Fontaine" 1917 1964 Faïence blanche recouverte de glaçure céramique et de peinture 38x48x63.5 Lire l'article ici : https://www.beauxarts.com/grand-format/des-toilettes-au-musee-lincroyable-epopee-de-lurinoir-de-duchamp/?fbclid=IwAR1SOJZQ6ZbI3wlk_Zh-qFJg1ct_VRGJYduv-niyViNcYupvrnzG6PUR9bQ ► MAURIZIO CATTELAN né en 1960 en ITALIE Vit et travaille à New York. Très irrévérencieux et malicieux envers l'art et les institutions, ses œuvres suscitent toujours la polémique en remettant en cause la religion, le marché de l'art, et en ayant un regard décalé. En 2019, à la foire d'art contemporain Art Basel de Miami, il expose "the Comedian" (le comédien). Une simple banane scotchée au mur. Deux bananes ont été vendues 120 000 dollars et celle exposée est proposée à 150 000 dollars. L'oeuvre est proposée avec un certificat d'authenticité, et les acheteurs peuvent remplacer la banane selon leur bon vouloir une fois qu'elle dépérit. Immédiatement les gens crient au scandale, mais en parallèle cela attise la curiosité du public qui fait la queue pour prendre un selfie avec. L'artiste David Datuna s'approche tranquillement de la banane, la décolle, enlève la peau et la mange. Daniel Perrotin, galeriste de Cattelan n'a pas porté plainte (car vous l'aurez compris tout ceci n'est pas sérieux) et a remplacé la banane avant de la retirer. Le geste est Dada. Cattelan a fait un ready made convoquant l'esprit provocateur de Marcel Duchamp. Sa réflexion concerne l'absurde, ici l'absurde du marché. Cattelan va plus loin encore que Duchamp en proposant un objet périssable voué à disparaître. Son acte veut faire réagir le public et c'est une immense farce qu'il a joué avec la complicité de son galeriste. Et cela a bien marché. Le monde entier en a parlé,jusque dans les cours de récréation. Ce n'est donc pas une banane qu'il a vendu, mais une idée. Et les acheteurs sont des mécènes qui soutiennent la création. "The Comedian" Maurizio Cattelan" Foire Art Basel à Miami 2019 Sa banane est le prolongement d'une première idée où l'artiste avait en 1999 scotché le galeriste Massimo de Carlo au mur. Le galeriste Massimo de Carlo « duct-tapé » par Cattelan : Maurizio Cattelan, A Perfect Day, 1999. Pièce n'existant que le soir du vernissage. ► AI WEIWEI né en 1957 CHINE En 2018, Ai Weiwei expose au Mucem à Marseille et propose au spectateur un voyage dans le temps le reliant à son père, poète chinois qui avait fait le voyage vers l'Occident en 1929 et qui avait débarqué à Marseille. Son travail relie l'occident à l'orient, l'art et l'artisanat, la destruction et la conservation. Ai Weiwei qui découvre les ready-mades de Marcel Duchamp dans les années 80 à New York présente lors de cette exposition des objets du passé qu'il s'est appropriés. Mais ils ne sont pas tout à fait exposés tels quels, et ne sont pas dépourvus de toute attachement esthétique. Ils sont détournés, certes, de leur fonction première, mais si "violin" rappelle fortement l'assemblage "roue de bicyclette" de 1913 de Marcel Duchamp ( deux objets sans aucun lien assemblés créant une sculpture), il convoque le monde de l'art avec celui du monde ouvrier et signifie que l' artiste peut être à certains moments de sa vie ouvrier, et inversement ( n' oublions pas qu'Ai Weiwei a été lui même ouvrier durant cette période new-yorkaise) . L'esprit du Ready-made est là, mais l'intention est différente, politique. Ai Weiwei Chaussure pour un homme 1987 ► ROBERT FILLIOU 1926-1987 FRANCO-AMÉRICAIN Dans l'oeuvre "la Joconde est dans l'escalier" Filliou s'inscrit dans la lignée de Marcel Duchamp. De manière malicieuse, il crée une distance avec la représentation de l'oeuvre la plus connue au monde "la Joconde". Mona Lisa n'est plus là, elle n'est plus le sujet, mais elle a laissé ses attributs, ceux d'une concierge. Nous avons donc face à nous un seau, un balai et une serpillière avec un carton où le titre de l'oeuvre est inscrit, sorte d'indication pour le spectateur : un cartel transformé. L'oeuvre modifie notre regard. La Joconde n'est plus cette icône adulée, elle est confrontée à la banalité, à la rugosité du quotidien; Le titre convoque la Joconde en l'évoquant, mais elle brille par son absence. Il y a donc destruction de l'image matérielle, et évocation d'une image immatérielle, mentale. Robert Filliou. La Joconde est dans l'escalier 1969 L'artiste vise donc une icône, tout comme Marcel DUCHAMP (ci-dessous) avec sa célèbre irrévérencieuse "LHOOQ" où il tord le cou à la notion de chef-d'oeuvre en détournant son sens. Le réady-made ici déconstruit l'oeuvre. Marcel Duchamp. Pièce dada "LHOOQ" 1919 ► CHRISTELLE FAMILIARI née en 1972 en FRANCE Elle est connue pour ses performances interrogeant la question du désir et de l'intimité et faisant exploser les carcans sociaux entourant cette notion. Elle réalise des objets en laine qu'elle tricote et crée une relation physique entre le spectateur et son oeuvre. Christelle Familiari "siège bi-place" 2000 structure en acier, élastique crocheté, 130x80 épaisseur variable ![]() ![]() Dans "Demande de suçons" , Christelle Familiari va plus loin en proposant au spectateur de participer à une performance. Elle met en place un dispositif établi à l'avance qui durera 3h dans une galerie. Elle se met à disposition du public, la tête et le corps caché dans un poncho et un bonnet, seules ses épaules et sa nuque sont nues. Le public est invité à lui faire des suçons, à laisser une marque sur son corps. Le spectateur complète la performance. L'action est basée sur l'attraction et la répulsion et questionne la relation humaine. Le visiteur est invité à abandonner sa place rassurante de spectateur. Sa réaction n'est pas connue à l'avance. Les sentiments suscités sont de l'ordre de imprévisible. ► JESUS-RAPHAEL SOTO 1923 - 2005 VENEZUELA Artiste de l Op Art et de l'Art Cinétique, il a tout naturellement exploité l'implication du spectateur dans son oeuvre et plus particulièrement avec "les pénétrables", grandes structures métalliques dans lesquelles ce dernier pouvait rentrer, ressentir les tiges sur son corps et les entendre se percuter entre elles selon l'interaction du spectateur. Il participe à l'exposition "le Mouvement" en 1955 à la galerie Denise René à Paris avec Victor Vasarely, Jean Tinguely, Marcel Duchamp, Alexander Calder etc... Ses sculptures deviennent de véritables environnements puisqu'elles délimitent un espace dans l’espace pour le spectateur.Les pénétrables sont composés d'une structure métallique sur laquelle sont fixés des fils flexibles colorés qui se posent sur le corps du spectateur une fois entré, ou des tiges métalliques rigides qui se cognent les unes aux autres lors de la venue du spectateur, créant un vacarme sonore. Le spectateur disparaît presque dans cet espace, mais le bruit signale sa présence. La perception est visuelle, tactile, auditive, c'est un expérience corporelle et sensorielle. Elle est vibratoire sur deux plans, aussi bien visuellement car en bougeant devant les tiges l’œil perçoit une vibration rétinienne et lorsque le corps entre dans l'espace du pénétrable, la vibration des tubes se ressent à travers le corps. « Avec le Pénétrable dit Soto, nous ne sommes plus des observateurs mais des parties constituantes du réel. L’homme n’est plus ici et le monde là. Il est dans le plein et c’est ce plein que je voudrais faire sentir avec mes oeuvres enveloppantes. Il ne s’agit pas de rendre les gens fous, de les assommer d’effets optiques. Il s’agit de leur faire comprendre que nous baignons dans la trinité espace-temps-matière ». JESÚS RAFAEL SOTO Pénétrable sonore 1997 350 x 400 x 300 cm cadre en fer, claves en aluminium, ø 2-10 cm Jésus Rafael Soto, Pénétrable jaune, 1999 Peinture époxy blanche sur acier, tubes en PVC jaune cognac Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne Jesus Rafael Soto Pénétrable BBL bleu 1999 PVC et métal. Vous pouvez entendre le bruit des tiges du pénétrable se situant dans l'oeuvre de Jean Tinguely "le Cyclop" ici. |
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