dimanche 12 novembre 2023

COURS 3 LA FIGURATION ET L'IMAGE (1ere SPE)

 I. LA FIGURATION ET L'IMAGE

1. Figuration et construction de l'image : (espaces narratifs de la figuration et de l'image, temps et mouvement de l'image figurative).

A/ Espaces propres à l'image figurative : le format, l'espace déterminé par les appareils de prise de vue, espaces contenus par l'image elle-même.

Formats "portrait" ou "paysage" ?

Le format est très souvent lié à la représentation. On utilise le format "portrait" allongé vers le haut correspond à une représentation de la tête ou de la tête avec buste, comme ici dans les portraits funéraires  du Fayoum de l'Egypte ancienne du 1er siècle destinés à mettre une identité sur les momies. La tablette était généralement du bois. 


L'utilisation du Tondo est moins répandu. Ce format particulier voit le jour dès l'antiquité mais trouve son apogée durant la Renaissance. Le format renvoie à une idée de perfection et d'équilibre, le sujet peint est généralement centré. 




Ci-dessus un portrait peint par Vermeer avec un format standard "portrait". La jeune fille a son visage de trois quart, centré mais se détache du bord gauche du tableau, la lumière vient de gauche, mais l'arrière plan est sombre. Pourtant certains artistes ne vont pas hésiter à bouleverser les règles du portrait comme ci-dessous Joshua Reynolds qui va utiliser un portrait très proche du carré (format figure renversé) et plutôt  horizontal pour représenter un portrait. Les bras occupent l'espace sur les côtés, le coude gauche du jeune homme est relevé, la palette quant à elle occupe la partie gauche. Le format permet de donner plus d'ampleur à la pose et de donner des détails sur le sujet. Ce format contrarie la pratique du portrait intime,  
On retrouve La même problématique dans l'autoportrait de Gustave Courbet. 


Les formats "paysages" sont donc, de manière générale horizontaux. Il existe "la Véduta", "le panorama", mais certains artistes, comme pour le portrait, chercheront encore une fois à casser les codes.



Les panoramas en terme d'attraction ont été inventés par Robert Baker. Il s'agit d'une architecture circulaire avec une plateforme, une grande peinture à 360° est peinte, le spectateur au centre, peut ainsi regarder ce panorama selon différents points de vue. 


coupe d'un panorama.

Louis Welden Hawkins, ci-dessous, utilise un format "portrait" pour peindre un paysage. Il casse ainsi les codes et met en valeur la verticalité des troncs. 

 L'espace déterminé par les appareils de prise de vue

(un peu de révision)

L'ancêtre de la photographie est la caméra obscura, sorte de boîte de grand format dans laquelle l'artiste pouvait s'installer. Un trou laissait passer la lumière, les rayons lumineux projetaient sur la surface opposée l'image de la réalité à l'envers. L'artiste n'avait plus qu'à dessiner les contours.  


Ci-dessous plusieurs types de camera Obscura à travers les siècles  :





Camera obscura d'Anna Heinrich et Leon Palmer 2016


Chris DRURY " Cloud chambers" 2006 dans King's Wood / Kent / UK


Vue de l'intérieur de la cloud Chambers


 Le format en photographie et au cinéma. 

Les premières photographies conservent le format paysage pour les vues en extérieur et le format portrait pour les photographies de personnes. Mais par la suite ils vont vite déroger à la règle comme Brassaï ci-dessous. 






Brassaï "Paris de nuit  rue de Lappe" 1932
 Mais avec l'apparition du cinéma (les premiers plans sont fixes et uniques, la caméra ne bouge pas comme ci-dessous dans le premier film " la sortie de l' usine Lumière à Lyon" de 1895 des frères Lumière ) les cinéastes vont vite comprendre qu'il est nécessaire de varier les plans pour rendre plus riche la narration. Le plan au cinéma apparaît dans les années 1900



« Alors que William Kennedy Laurie Dickson, William Heise, Louis Lumière, Alexandre Promio, Alice Guy, Georges Méliès, bref, les inventeurs du cinéma primitif, ne dérogent pas à l’habitude, tout à la fois photographique et scénique, de tourner une seule prise de vue pour filmer une action unique dans un même lieu, George Albert Smith, lui, décrit une action unique se déroulant en un même lieu, à l’aide de plusieurs prises de vues qui sont reliées entre elles par la seule logique visuelle. Ce qu’on appellera plus tard le découpage technique, le découpage en plans de l’espace et du temps à filmer. » Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin "la grammaire du cinéma".

Le nom des plans.

B/ Dialogues de l'image avec le support, l'écrit, l'oral : Diversité des supports, inscription dans un lieu, plus ou moins grande interaction avec des énoncés écrits ou oraux.


► Dialogue entre support et image : 

Pour affirmer le support et son format ou sa taille, certains artistes vont créer un dialogue, un lien fort entre l'image et celui-ci. Dans l'œuvre du Pere Borrell del Caso de 1874, il utilise le trompe l'œil pour créer ce lien : l'image sort du cadre, s'en échappe. Le format est confirmé par le cadre, le cadre sensé contenir l'image qui prend vie et en sort. L'illusion est parfaite. 


Chez Edgar Muller, dans son anamorphose " la crevasse", il joue avec la perception du spectateur et le lieu. La surface plane du support donne l'impression d'être un gouffre, il y a donc encore ici un dialogue entre le support (le lieu) et la peinture. Mais il n'est effectif qu'à partir du point de vue unique : celui de la photographie. 


A Metz, durant les "constellations "festival international d'arts numériques qui se déroule chaque année de juin à septembre, la Cathédrale est régulièrement recouverte d'un Mapping Vidéo où l'image épouse fidèlement l'architecture animant de manière spectaculaire l'édifice, transformant son aspect. 



Ci-dessus le mapping vidéo de la cathédrale de Metz durant les "Constallations" de 2019

On peut également retrouver du mapping vidéo  au Pavillon Vendôme à Aix en Provence chaque année durant la nuit des musées. 

► Dialogue entre support et écrit : 

Jenny Holzer est une artiste conceptuelle. Elle crée des truismes (vérités banales, évidentes) qu'elle met en relation avec des lieux. Le sens s'en dégage naturellement. Ci-dessous les truismes se trouvant au château La Coste à Aix en Provence, sont placés sur plusieurs bancs. L'objet fait pour qu'on puisse s'y asseoir nous met devant un choix : rester debout pour pouvoir lire le truisme ou rester assis et ne pas pouvoir les lire. la dimension publique fait partie de son travail. Elle diversifie ses médiums ( affiches, panneaux lumineux, vidéo, bancs en pierre etc...) . Le langage est important pour elle, et elle délaisse la représentation. 



Dans sa célèbre œuvre "protect me from what i want" (protège-moi de ce que je veux) installée au cœur de New York à Times Square, temple de la consommation, le panneau lumineux devient comme un signal d'avertissement. Le panneau s'inscrit de manière parfaite dans l'espace hyper lumineux du lieu, Jenny Holzer utilise le même langage que la publicité, mais le message rentre en dialogue avec l'environnement et entame une réflexion critique sur le rôle du corps et de l'intellect. 



► Interaction avec le spectateur :

A la fondation Carmignac sur l’Île de Porquerolles l'œuvre de John Baldessari "Beethoven's trumpet" représente un énorme sonotone relié à une oreille sortant du mur. Le spectateur s'y penche et s'il se met à parler, la musique de Beethoven se déclenche. C'est donc une sculpture sonore évoquant un compositeur sourd. L'œuvre est matérielle et immatérielle. Le son en fait partie et remplit l'espace. Le spectateur participe également à déclencher le son. 






C/ Dispositifs de la narration figurée : depuis la tradition de la fresque et du polyptyque jusqu'aux dispositifs multimédias, inscription dans un espace architectural.


La narration : 
- Du point de vue de la création artistique, il existe trois types d’œuvres narratives: 
- « Les œuvres qui racontent leur propre histoire », 
- « Les œuvres qui racontent l’histoire des artistes », 
- « Les œuvres qui inventent des histoires». On pourrait distinguer deux grandes catégories d’œuvres usant du récit: celles qui témoignent de la réalité et celles qui convoquent des données fictionnelles.

Le dispositif 
- « Ensemble d’éléments agencés en vue d’un but précis » .

Depuis que l'homme existe, la narration est présente. L'homme a toujours eu besoin de raconter par l'image. 



Durant l’Égypte ancienne, Les personnes fortunées prévoyaient leur obsèques bien à l'avance avec un scribe avec lequel elles mettaient au point le récit de leur vie à partir de décors peints. La tombe était donc peinte durant la vie du propriétaire, ce dernier contrôlant l'histoire de sa vie. 


Ci-dessus, dans le sarcophage trouvé à Rome mais réalisé à Athènes, le mouvement et le culte du corps athlétique sont les axes majeurs de la représentation. La force, le courage, la bravoure, l'héroïsme sont les thèmes les plus développés. 



On raconte également à travers les fresques : 















Mais on raconte également à travers les vitraux. L'église se sert de ces supports pour donner une éducation religieuse par l'image aux personnes illettrées :  


Vitraux de la cathédrale de Bourges  12e et 14e siècle.

Vitraux de la cathédrale de Bourges  12e et 14e siècle.

Vitraux de la cathédrale de Bourges  12e et 14e siècle.

Vitraux de la cathédrale de Bourges  12e et 14e siècle.


Plan de la cathédrale de Bourges.

Vitraux de la cathédrale de Bourges  12e et 14e siècle.

Vitraux de la cathédrale de Bourges  12e et 14e siècle.










L'éducation des fidèles se fait également à travers des retables. Ici la notion de temps rentre en jeu car selon les moments de l'année, le retable est fermé ou ouvert. Il y a donc deux lectures possibles en accord avec le moment. Le retable d'Issenheim est même fait en trois parties : la partie fermée, la partie ouverte et les sculptures cachées derrière la partie ouverte. 











détail du retable d'Issenheim. panneau de gauche

détail du retable d'Issenheim. Panneau central

détail du retable d'Issenheim. Panneau de droite.

détail du retable d'Issenheim. Panneau central

Partie cachée : sculptures du retable d'Issenheim. 


Retable d'Issenheim fermé.

détail du retable d'Issenheim.

détail du retable d'Issenheim.

détail du retable d'Issenheim.

détail des sculptures du retable d'Issenheim.


AU XXe siècle, plusieurs mouvements apparaissent autour de la narration : la figuration narrative, l'art narratif : 







Dans le travail de Sophie Calle " voir la mer" , la disposition de ses panneaux est assez particulière. 7 vidéos sont projetées sur 7 écrans suspendus et perpendiculaires dans une salle noire. 7 personnes d'Istanbul n'ont jamais vu la mer et y sont amenés. Sophie Calle veut capter la première l'émotion à travers leur regard. Ils sont face à la mer, dos à la caméra et lorsqu'ils le veulent se retournent pour regarder la caméra. Ce moment tant attendu par le spectateur est frustrant. Les personnes se retournent à des rythmes différents, et le spectateur ne peut tout voir d'un coup. Il est obligé de faire des choix. S'il décide de regarder une vidéo, il renonce à celle située de manière perpendiculaire. Le spectateur rentre dans l'intimité de la personne qui est filmée. Sophie Calle raconte ce moment unique.  L'installation est dans le noir, les panneaux seuls sont lumineux. 

On peut faire un parallèle avec le retable d'Issenheim. 




2. Dialogues entre narration figurée, temps, mouvement et lieu, temps et mouvement réels ou suggérés, temps de la production, de la présentation, de la perception, l'éphémère, mouvement du spectateur.


Hiroshi Sugimoto, photographe japonais né en 1948 s'interroge sur le passage du temps. Dans sa série "Theaters" il réalise des poses longues de vieilles salles de théâtres devenues cinémas. Il capture le film entier. L'image obtenue est un écran blanc, lumineux où l'image en mouvement a disparu. Elle est en total contraste avec la salle sombre où les spectateurs vivants et en mouvement ont disparu également. 
Le temps efface l'image, efface la narration, mais en donne une autre. Les images trop nombreuses pour l'appareil photo disparaissent avec le mouvement. 




Christian Marclay
explore le temps également avec son œuvre "the Clock", montage de 24h, synchronisé avec le temps réel, les séquences de films montées les unes aux autres sont toutes des plans sur des montres, horloges, cadrans, indiquant l'heure, montés de manière logique par rapport au temps. De ce fait, un spectateur qui regarde à l'écran une montre indiquant 14h 02 pourra constater qu'à sa propre montre il est également 14h02. 








Le dialogue entre la narration figurée, le temps, le mouvement et le lieu est très présent dans la réalité augmentée et la réalité virtuelle. 

Dans les installations interactives d'Adrien M et Claire B comme "Mirages et miracles", le spectateur est sollicité pour rechercher l'oeuvre : un Ipad lui est prêté à l'entrée, des installations de dessins, pierres véritables, dessins de pierres sont présentes, et le spectateur avec l'Ipad va découvrir une animation en relation avec ces derniers. Petits personnages noirs virtuels sautent de pierre en pierre, tourbillons sortent des dessins. Le spectateur est plongé dans un monde parallèle. 








Voir la vidéo 'muted' ci-dessous : 

Muted - A fall through silence from Christophe Monchalin on Vimeo.


 II. PASSAGE A LA NON FIGURATION : perte ou absence du référent, affirmation et reconnaissance de l'abstraction.


1. Systèmes plastiques non figuratifs : couleur, outil, trace, rythme, signe.


Trois artistes majeurs sont à l'origine de l'abstraction : Kasimir Malevitch, Wassily Kandinsky et Piet Mondrian. Tous trois sont partis de la figuration pour ensuite se débarrasser de la représentation. Ils ont eu cette expérience à peu près durant la même époque entre 1911 et 1917. 

Malevitch peint en 1912 des scènes paysannes. Elles sont stylisées dans le style russe cubo-futurisme. Les formes sont géométrisées, le volume est rendu par des dégradés et un effet de lumière. 

Moisson du seigle, 1912
Stedelijk museum Amsterdam

Ses compositions deviennent de plus en plus complexes. 


En 1915 il bascule dans l'abstraction pure, et fonde "le suprématisme", mouvement qui rend la couleur indépendante et la forme autonome. La peinture est radicale, elle n'est là que pour elle même. 
l'œuvre ci-dessous "la croix" en est une parfaite représentante. 


Il reviendra vers la figuration quelques années plus tard. 





Lorsqu'on analyse l'œuvre ci-dessus "sportifs" on y voit 4 personnages que le titre désigne comme sportifs. Ils sont anonymes. Les formes sont simplifiées, débarrassées de leurs détails; Ils sont représentés de face, placés sur une même ligne; Les corps deviennent prétexte à la forme et la couleur. chacun a une symétrie, les corps sont coupés en deux, chaque partie à une couleur. Les formes sont géométrisées, les couleurs sont en contraste. La technique à l'huile permet des aplats, il n'y a pas de représentation du volume. Le fond est sobre, avec des lignes horizontales qui soulignent la disposition des corps. Le titre nous permet d'interpréter,  les vêtements colorés deviennent costumes d'équipes, couleurs chaudes s'opposent aux couleurs froides. La trace du pinceau n'est presque pas présente à part dans le deuxième corps en partant de la gauche. Les corps sont statiques, comme s'ils attendaient un signal. 

Ci-dessous on peut comparer deux autoportraits, l'un fait en 1915 l'autre en 1933. Seul le titre est commun, l'œuvre de 1915  n'est pas abstraite, mais non-figurative car le titre nous renvoie à une image. Il nous raccroche à une réalité et évoque l'idée de portrait. Cependant quelques détails montrent son attachement au suprématisme. Le béret et le col rouges n'ont pas d'ombre, ils sont traités en aplat, et rappellent l'utilisation de la couleur pure et de la forme autonome. 



Wassily Kandinsky est le deuxième artiste à explorer simultanément l'abstraction. Ses peintures. Il passe par une période fauve. Ses peintures sont colorées, avec des contrastes violents, les ombres sont bleues, vertes, violettes, le noir est très peu employé. Puis un soir, en rentrant chez lui il fait une expérience qui va le marquer : 


«C’était à l’approche du crépuscule, je revenais chez moi avec une boîte à couleurs, après une étude, encore tout plongé dans mon rêve et dans le souvenir du travail accompli, lorsque j’aperçus soudain au mur un tableau d’une extraordinaire beauté, brillant d’un rayon intérieur. Je restai interdit, puis m’approchai de ce tableau rébus, où je ne voyais que des formes et des contenus et dont la teneur me restait incompréhensible...C’était un tableau de moi qui avait été accroché à l’envers...J’essayai le lendemain, à la lumière du jour, de retrouver l’impression de la veille, je n’y réussis qu’à moitié. Même à l’envers, je retrouvais l’objet...Je sus alors expressément  que les objets nuisaient à ma peinture» W. Kandinsky.


 

Cette scène de 1909 sera le déclic qui le conduira dans l’aventure abstraite.


Il se détache ainsi de la représentation et va explorer la ligne, la forme et la couleur de manière totalement autonome. 

Le troisième artiste représentant de l'abstraction est Piet Mondrian.  Egalement influencé par le Fauvisme, ses premières peintures sont figuratives et axées sur la couleur. Ci-dessous le célèbre arbre rouge, pommier aux branches mortes fournies, qui structurent l'espace de la toile. 

Petit à petit il va styliser le pommier, utiliser les branches comme lignes qui vont finir par devenir droites verticales et horizontales jusqu'à une certaine radicalisation de la forme. L'interstice entre les branches devient forme rectangulaire à laquelle il va attribuer une couleur primaire. La peinture devient ligne et forme géométrique, couleur primaire. 




Quand la matière, la texture, ou la couleur de la peinture devient le sujet : 

Certains artistes comme Pierre Soulages (1919- 2022) ou Mark Rothko (1903 1910)  vont expérimenter la couleur. 

Pierre SOULAGES : L'artiste va confronter le noir (plein)  au vide (fond), comme une calligraphie et va  jouer avec l'équilibre, la répartition fond/forme.  Il fait partie de l'art informel.



Puis il va créer l'outrenoir, peinture monochrome avec une épaisseur variée, sa surface va réfléchir la lumière de manière différente selon la surface traitée en aplat ou striée. Le noir face à la lumière va se revêtir des couleurs du spectre lumineux et la perception du spectateur va changer selon son point de vue. Le noir n'est plus noir, mais multicolore. 




détail des outrenoirs.


Mark Rothko, peintre américain et expressionniste abstrait , sa manière de peindre est méditative.  La couleur est posée en aplat, les bords sont incertains, flous, transparents et donnent l'impression que la couleur flotte. La dimension de ses toiles est spirituelle. Ses toiles de grands formats impliquent le spectateur, il y a un face à face, un corps à corps. La couleur envahit son  champ de vision et le fait plonger dedans. il n'y a pas de formes, à part celle donnée par le format, pas de lignes, juste la couleur avec ses transparences. 

 Yellow over purple. , 1956 - 1956; Support : Oil on Canvas; Taille : 176,5 x 150,8 cm.


► Quand la peinture devient méditative :


Yves Klein cherche à créer une peinture qui a une certaine immatérialité, une sorte d'auréole sainte. Il met au point le IKB (International Klein Blue) un pigment bleu outremer avec un liant qui ne ternit pas sa couleur. Il dépose un brevet pour que cette couleur lui appartienne. Elle est une œuvre d'art à part entière. Elle renvoie la lumière lui donnant une vibration que l'œil ressent. C'est cette lumière colorée qui est immatérielle et impalpable, imperceptible. 
Sa dimension spirituelle est importante. La couleur est brute, sans artifice. Il choisit le bleu car selon lui c'est la couleur la plus abstraite possible, celle attribuée à la religion, au manteau de Marie. Elle a une dimension divine. Durant la Renaissance le bleu était la couleur avec l'or la plus chère. 


Il travaillera également avec un lance flamme pour créer des peintures de feu. 

Yves Klein réalisant des peintures de feu, 1962, Centre d’essais de Gaz de France Saint Denis, France

Le lance flamme devient le pinceau, le feu la peinture, l'eau envoyée par un pompier crée d'autres couleurs. Le temps d'exécution est très rapide, deux à trois minutes, la part de hasard est importante. Klein convoque l'élément feu et sa force créatrice et en jouant avec les parties humides de la toile crée des formes pleines et vides. 



très attiré par l'immatérialité du vide, il ira jusqu'à faire une performance "le saut dans le vide" qu'il matérialisera par un photomontage. Le corps fait l'expérience de la confrontation avec le vide. 


► Quand la peinture devient un enregistrement du moment :

Jackson Pollock fait partie de l'Expressionnisme abstrait et de l'Action Painting. Sa manière de peindre est singulière, reconnaissable. Il projette de la peinture sur de la toile posée au sol, sans que son pinceau ne touche le sol, créant de grands lacets de peinture qui se superposent et se croisent. Cela s'appelle du dripping. Il peint en all over, c'est à dire que la toile est recouverte de la même manière partout. Il s'intéresse au chamanisme, à l'inconscient. Alors il tourne autour de sa toile, ses gestes sont amples, le corps est engagé, il lui arrivait de peindre avec un pot de peinture percé qu'il balançait en créant de grandes giclées. Il était comme en transe, puissant, tout concentré à peindre, sans penser à autre chose. Sa peinture était en action : action painting. Il mélangeait sa peinture à du sable, de la terre, des cendres. Hans Namuth, photographe et cinéaste fit une série de photos devenue célèbre où on le voit peindre. Il fit également un documentaire sur lui où on le voit peindre à travers une vitre. Le travail du cinéaste le propulsa vers la célébrité. 
 




Avant de devenir la figure de proue de l'expressionnisme abstrait, Pollock était un artiste figuratif, influencé par les peintures de sable des indiens Navajo. 
La grande collectionneuse d'art Peggy Guggenheim lui commanda une peinture murale qui finalement sera une peinture sur toile de 6 mètres de large ; Pollock fait abattre un mur dans son appartement pour pouvoir mettre la toile au sol, mais il reste 6 mois devant la toile blanche sans arriver à la commencer. Agacée, Peggy Guggenheim lui donne un ultimatum de 24h. Pollock se lance, comme un fou, avec une énergie nouvelle, créant des figures qui finiront par disparaître. Il ne pense à rien, n'est pas conscient de ce qu'il fait (l'alcool aidant), seul l'acte de peindre, ce corps à corps avec la peinture compte.  Il travaillera toute la nuit et la toile sera livrée à temps. L'organisation de la toile est nouvelle. IL n'y a pas de centre, pas de hiérarchie, pas de marge. 




Chez Cy Twombly, autre expressionniste abstrait, l'enregistrement du moment est aussi présent. 





► Exploration de la limite entre la figuration et l'abstraction :


Nicolas De Staël est un peintre qui explore ce passage entre la figuration et l'abstraction. La frontière du non figuratif se traduit par des formes fragmentées, des aplats de couleurs, d'épaisseur, la matérialité est très présente, rendant l'identification difficile, seul le titre de l'œuvre raccroche à la représentation. 



► Quand peinture et musique ne font qu'un et se passent de toute illustration :


Fabienne Verdier est une artiste Française qui a passé 10 ans en Chine pour apprendre l'art traditionnel chinois; Elle en est revenue avec un pratique de la ligne, une maîtrise du geste. Elle en est venue à se fabriquer de gros pinceaux (60 kg) avec des queues de cheval qu'elle suspend à un treuil. Cela libère le geste, elle travaille au sol et marche sur ses peintures pour créer la ligne la plus harmonieuse possible.  Par la suite elle s'intéresse à la connivence entre peinture et musique. 
En 2017 et 2018 elle crée "paysages sonores". Dans le cadre du Festival d'Aix en Provence et de l'Académie européenne de musique, elle installe dans la chapelle de la Visitation un atelier laboratoire pour explorer cette relation peinture/musique. Le résultat est une installation à 360° destinée au public où est projeté cette expérience avec quatre quatuors à cordes . L'artiste travaille sur des films polyester translucides, une caméra est placée dessous, en même temps que la musique et en symbiose avec les musiciens, Fabienne Verdier utilise son pinceau à la verticale. Les traces/lignes créées sont enregistrées par la caméra en dessous, comme un portée naissant au son de la musique. 



Vue de "paysages sonores "par en dessous, traces de pinceaux. 
A gauche Fabienne Verdier en train de peindre avec son pinceau sur treuil, au centre le quatuor en train de jouer, à l'arrière plan les écrans qui diffusent le travail de l'artiste. 



Installation dans la chapelle des écrans diffusant les gestes de Fabienne Verdier, et l'écran au premier plan sur lequel va travailler l'artiste.   
voir la vidéo ici 
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