dimanche 24 septembre 2023

COURS 1 ( 2023): LA REPRÉSENTATION, SES LANGAGES, MOYENS PLASTIQUES ET ENJEUX ARTISTIQUES (Terminale SPE)

 ►. LE RAPPORT AU REEL

1.  MIMESIS, RESSEMBLANCE, VRAISEMBLANCE

Le fait de représenter crée un rapport plus ou moins étroit avec le réel. Les traces graphiques des premiers hommes ont permis à l'humanité de se faire une idée de leur mode de vie. Mais déjà, certains dessinateurs se sont démarqués du réel comme peuvent l'attester par exemple les gravures rupestres de la vallée des Merveilles dans le Mercantour au dessus de Nice datant de l'âge de bronze (4000 ans avant JC ) qui paraissent mystérieuses, certaines semblent complétement abstraites, d'autres plus schématiques, donnant une idée incertaine d'une représentation sans doute de parcelles avec bovins (ci-dessous), ou d'hommes (plus bas) basée sur la simplification de la forme et de la ligne. Les gravures sont réalisées par soustraction de matière par petites percussions avec un outil de pierre créant de petits trous. Ces derniers se nomment des micro-cupules et sont profonds de 0.5 à 5 mm.

Le lieu est un territoire sacré. C'est le point de rencontre entre terre et ciel. Plusieurs hypothèses ont été émises pour trouver du sens à ces formes très éloignées de la réalité : Le mont Bégo serait donc un moyen d'élévation et de cheminement vers les dieux. Vers 6000 ans avant JC l'agriculture était très présente dans les Alpes et la vallée des merveilles comportait de multiples torrents et ruisseaux pour irriguer les plantations. On pense que les nombreuses gravures étaient des offrandes à la montagne fertilisatrice.

Autre hypothèse : beaucoup de corniformes sont représentés sur le site. Ils symboliseraient le Dieu-Taureau, maître de la foudre et de la pluie fertilisante. La terre (déesse) devait être fécondée par le dieu du ciel, ainsi peut-on voir une figure cornue dans un espace clos (ci-dessous). Nous sommes donc bien loin de la réalité dans sa représentation, mais plutôt proche de la représentation d'une idée. 

Formes géométriques gravures rupestres de la vallée des merveilles
Attelage gravure rupestre de la vallée des merveilles.

Le Sorcier Gravure près du Mont Bégo Vallée des Merveilles Mercantour .




Plus tard, durant l'Antiquité, Platon va déclarer le peintre Zeuxis (464 av JC - 398) le plus grand peintre de l'époque car son œuvre est basée sur l'illusion de l'espace et donc le trompe l'œil. Une légende raconte que lors d'un concours avec un autre artiste Parrhasios, ses raisins peints étaient si réalistes que des oiseaux vinrent s'y casser le bec. Mais ce fut Parrhasios qui remporta le concours avec son tableau caché par un rideau. En effet, Zeuxis, certain de gagner, demanda à ce qu'on retire le rideau. Mais le rideau était peint, Zeuxis s'avoua vaincu car s'il avait réussi à tromper des oiseaux, son confrère avait réussi à berner l'artiste. 



Cette question de mimesis a toujours intéressé les artistes et les a motivé à trouver des solutions techniques pour se rapprocher de la réalité :

-  La camera obscura  utilisée depuis l'Antiquité, permet à l'artiste de pouvoir reproduire (décalquer) l'image projetée naturellement à l'intérieur de la chambre noire. Les rayons lumineux passent par un petit trou et transportent l'image de la réalité à l'envers. L'artiste peut ainsi, en s'enfermant dans la chambre noire, travailler sur cette projection pour la matérialiser. 



Gravure illustrant le principe de la camera obscura


- La perspective est l'ensemble des techniques pour représenter l'espace. On connait la perspective cavalière, la perspective conique, la perspective à plusieurs points de fuite, la perspective atmosphérique. Elle est inventée durant le quattrocento (15e siècle, début de la Renaissance) à Florence pour rendre la représentation plus conforme à la vision humaine. C'est Leon Battista ALBERTI (1404-1472) va écrire les principes dans on ouvrage "De Pictura" (de la Peinture) en 1436, basés sur la géométrie. Son traité permettra à tous les artistes d'en saisir les règles. 

La cité idéale -Urbino - 1480 huile sur panneau de bois 67,7 × 239,4 cm auteur incertain

- La technique de la mise au carreau : Un cadre comportant un quadrillage fait de fil, installé à la verticale comme une fenêtre, permettait à l'artiste de  prendre des repères et reproduire sur un quadrillage dessiné sur son support sa perception.
Gravure datant du 15éme siècle attribuée à Dürer.

- La tavoletta de Brunelleschi : Filippo Brunelleschi (1377- 1446) architecte, mathématicien, peintre et sculpteur, fut le premier à mettre au point et à maîtriser la perspective linéaire. Il avait inventé un instrument "la tavoletta" qui permettait de n'avoir qu'un seul point de fuite, permettant ensuite de construire les fuyantes. Sa tavoletta avait un trou qui servait de point de fuite, le dessinateur y mettait son oeil, et tenait un miroir en face reflétant le dessin d'une scène réelle. Le miroir permettait de comparer la réalité avec sa représentation.  


2. LA QUESTION DE LA REPRESENTATION A TRAVERS L'OEUVRE DE RAPHAEL, LE CARAVAGE et AUGUSTE  RODIN

Durant la Renaissance les artistes  tels que Raphaël  cherchaient un idéal dans la représentation, il n'en va pas de même un siècle plus tard avec Le Caravage et encore moins bien plus tard dans l'oeuvre de Rodin.
Nous allons voir ci-dessous les caractéristiques des trois artistes virtuoses et pourtant  très différents.

a. A la recherche de l'idéal :

Raphaël  (1483-1520) est un artiste peintre, architecte italien de la Haute Renaissance, né à Urbino. Sa manière de peindre est admirée pour sa clarté de forme, sa composition simple, épurée, sa grande maîtrise du dessin, son sens du volume, et la douceur qui émane de ses personnages. Leur peau est lisse, claire, lumineuse, le regard intense dirigé vers le spectateur. Une grande attention est accordée aux textures des vêtements et à l'harmonie des couleurs. Raphaël cherche à se rapprocher de la perfection avec délicatesse. Les lignes sont rondes, les carnations claires légèrement rosées, les compositions mettent en valeur les personnages qui baignent dans une lumière douce. Le regard tourné vers le spectateur le harponne. Il y a une dimension psychologique, le regardeur se sent à son tour regardé. 

Portrait de jeune femme de Raphaël 1520 huile sur bois 60x44


La Madone Sixtine de Raphaël 1513-1514 Huile sur toile 265x196 

Détail de la Madone Sixtine de Raphaël.



b.  Mise en scène  et réalisme : 

- LE CARAVAGE (1571-1610 ITALIE)

Le peintre sulfureux a révolutionné la peinture. Provocateur génial, il a osé proposer une peinture qui bousculait les codes et a permis aux artistes de se libérer des stéréotypes du Maniérisme. Sa peinture rend les représentations religieuses plus humaines, plus proches de la réalité,  plus proches des gens. Contrairement à Raphaël, il n'hésite pas à représenter les pieds nus crasseux, les ongles noirs, les vêtements élimés. Il n'y a plus de sublimation de l'être, le divin s'humanise.  Avec son regard cru sur les choses, il cherche à  rendre les émotions humaines.

"Le petit Bacchus malade" Le Caravage 1593 1594 huile sur toile 67x53
détail de "Le petit Bacchus malade" Le Caravage 1593 1594 huile sur toile 67x53




Ci-dessus, dans le petit Bacchus malade, Le Caravage est encore jeune (22 ans). Il n'est pas encore connu en tant que peintre. C'est un autoportrait. C'est l'une de ses premières peintures,  une demi-figure, associée à une nature morte. Cette peinture est sans doute peinte dans l'atelier de Giuseppe Casari chez qui il est employé.  On remarquera que le raisin comporte des grains pourris. Le Caravage s'attache à y faire un rappel de notre condition de mortel. Tout pourrit. Tout disparait. Le teint jaunâtre du jeune homme montre la maladie dont le Caravage souffre, très probablement le paludisme. Encore une fois, ici l'état de santé précaire représenté contraste avec le statut du personnage. Bacchus est une divinité de la mythologie romaine qui jouit des plaisirs de la vie dans l'excès. Il est le dieu de la fureur, des débordements, de l'ivresse, de la luxure. Il est généralement représenté en peinture soit vieux et ivre, soit jeune et séducteur. Le Caravage choisit de le représenter autrement,  seul, malade, triste, avec des fruits qui commencent à pourrir. Là déjà, malgré son jeune âge,  il est dans une forme de trivialité. Son Bacchus n'est plus une figure mythologique mais un garçon déguisé aux ongles sales sortis des rues de Rome.

L'insertion d'une nature morte au premier plan témoigne de deux choses : tout d'abord, Le Caravage est employé dans un atelier dans lequel il a appris à peindre des natures mortes. Mais cela montre aussi son côté novateur car c'est une grande nouveauté artistique que de traiter sur un pied d'égalité à la fois les fleurs, les fruits et les personnages. 



Le Caravage " Les Tricheurs" 1595   94.2x130.9  huile sur toile.


Dans son œuvre "les Tricheurs", Le Caravage met l'accent sur la psychologie des personnages : le jeune homme à gauche raffiné appartient à une catégorie sociale élevée. Ses vêtements sont soyeux, élégants, la lumière éclaire son visage clair et concentré sur ses cartes, et révèle sa naïveté. Les deux autres personnages sont liés par la tricherie : l'un qui nous tourne presque le dos nous montre les cartes cachées dans son vêtement, une dague à la ceinture potentiellement menaçante au cas où il serait démasqué , le vêtement sur le bras gauche a une petite déchirure discrète,  tandis que le second lui communique le jeu du jeune homme par un signe. Son gant est trouvé et révèle son appartenance sociale . Son regard rivé sur les cartes du jeune homme exprime la fourberie. Le front est plissé, la peau est plus sombre contrastant avec celle de la victime, si claire. 

C'est une scène de genre, elle raconte le quotidien, le cadrage est serré sur les trois personnages, la table au premier plan structure la composition. 

Ainsi le rapport au réel du Caravage est assez particulier : La mise en scène met en valeur les personnages de manière peu réaliste avec son éclairage si particulier, souvent intense, ses tentures et drapés, en revanche ses modèles sont humanisés, non idéalisés, leur psychologie est révélée avec toutes leurs bassesses. 

Le Caravage "La mort de la Vierge"  1601-1606 369x245 huile sur toile

"La mort de la vierge" ci-dessus fit scandale. Le clergé refusa l'œuvre car la Vierge est représentée avec une certaine banalité. Sa vision est jugée trop brutale, triviale. Ses cheveux sont ébouriffés, son corps est boursoufflé, le bras est pendant, les pieds écartés et non symétriques, ses vêtements sont simples et sobres, seule son auréole discrète lui donne son statut sacré. On raconte même que Le Caravage aurait pris comme modèle  la dépouille d'une prostituée noyée.  La composition s'organise autour de la Vierge, sujet central, la lumière en diagonale dirige le regard, le clair-obscur si cher à l'artiste dramatise la scène et donne peu de profondeur à l'espace. En revanche le corps de la Vierge est illuminé, mis en valeur, les apôtres réunis sont peu identifiables, la pénombre supprime les détails inutiles, seule l'émotion est visible par l'expressivité des corps. 


 

c. Comment un artiste en vient  à se détacher de la représentation de la réalité ?

-  AUGUSTE RODIN  (1840-1917 FRANCE)

Rodin est un artiste sculpteur qui voue pour le nu un véritable culte. On raconte que dans son atelier il demandait à des modèles de déambuler nus sans s'arrêter pour qu'il puisse saisir un mouvement intéressant. Immédiatement il en faisait un croquis ou une esquisse modelée rapidement pour pouvoir ensuite l'exploiter. L'anatomie n'avait aucun secret pour lui. 

En 1877, Auguste Rodin présente sa première œuvre importante  "l'âge d'Airain" au salon des artistes à Bruxelles puis à Paris. Elle représente un jeune homme qui pose avec une lance dans la main gauche qui a été supprimée par Rodin.  La sculpture a un énorme succès mais sa perfection est telle qu'il est soupçonné d'avoir eu recours au moulage d'un corps.  L'œuvre fait scandale car elle semble trop proche de la réalité. 

Auguste Rodin "l' Âge d'Airain" bronze, 180.5x68.5x 54.5



Profondément blessé par ces calomnies, il se sentira obligé de prouver qu'il a sculpté l'œuvre entièrement sans passer par cette technique décriée. Pour cela il fera appel à un photographe qui fera une prise de vue du modèle pour que le public puisse faire la comparaison.

photographie de Gaudenzio Marconi 1877 tirage sur papier albuminé 24x14.8 modèle : Auguste Neyt



 Il finira par convaincre tout le monde et cette fausse accusation lui vaudra une plus grande reconnaissance. Sa carrière est lancée mais pour prouver sa virtuosité il ne fera plus jamais de sculpture à l'échelle 1. Elles seront toujours plus grandes voire monumentales, ou bien plus petites. 




Dans son œuvre l'âge d'Airain, on y sent l'influence de ses maîtres tels que Michel-Ange. Petit à petit, avec l'âge, il va se défaire du rapport au réel et va inventer une nouvelle sculpture. Rodin est un modeleur, ses sculptures naissent de l'argile. Il crée des abattis, c'est à dire des morceaux de corps : tête, jambe, bras etc... qu'il moule pour pouvoir en faire des répliques nombreuses en plâtre. Puis il les assemble pour créer de nouvelles sculptures plus rapidement. 






Dans "l'homme qui marche" ci-dessus, de 1907 bronze, est l'assemblage d'un torse fait en 1900 avec les jambes réalisées pour la sculpture de Saint Jean Baptiste. Le modelé lisse des jambes contraste avec les aspérités du torse. Pourtant une grande puissance s'en dégage, l'idée du mouvement est transmise et une certaine unité est établie. Le réel est ici peu présent, au profit de l'idée et de l'expérimentation. Le corps n'a pas de bras, ni de tête, ils deviennent superflus dans la démarche de l'artiste. 


exemples d'abattis et d'assemblages


Rodin renouvelle la sculpture et son rapport au réel avec ses assemblages. Il en arrive à ne plus respecter les échelles, ou bien à assembler ses sculptures avec des poteries antiques qu'il collectionne. Il intègre des objets dans ses sculptures, c'est à dire qu'il inclus le réel lui même dans son œuvre. 
Assemblage masque de Camille Claudel et main gauche de P. de Wissant, 1895 32.1x26.5x27.7 plâtre

Dans "l'assemblage : masque de Camille Claudel et main gauche de P. de Wissant", il y a clairement une rupture d'échelle. Les deux parties de la sculpture ont des provenances différentes, (l'une est une main reprise de la sculpture de Pierre de Wissant, sculpture destinée au groupe "les Bourgeois de Calais", l'autre est un des premiers portraits de Camille Claudel, jeune élève de Rodin devenue sa maîtresse)  mais l' association grande main + petite tête est expressive. La main peut paraître  menaçante ou protectrice selon les sensibilités,  les coutures (traces laissées par les différentes pièces du moule) sont visibles, la surface comporte beaucoup d'irrégularités. Rodin laisse apparaître les traces des techniques employées de moulage volontairement.  

Il faut savoir que cet assemblage a été exécuté 5 ans après la rupture d' Auguste Rodin et de Camille Claudel. L'assemblage est donc une allégorie  pleine de sens. Encore une fois, ici le rapport au réel est assez particulier. 


Les Bourgeois de Calais 1898 Auguste Rodin 

3. LE REALISME ET SON REGARD SUR LE REEL 

Le réalisme est un mouvement artistique qui a vu le jour vers 1848 dont l'artiste phare est Gustave COURBET .
Les artistes du réalisme s'insurgent contre les élans passionnés du Romantisme. (Le Romantisme se caractérise par la dominance de la sensibilité, de l'émotion, et de l'imagination sur la raison et la morale. Les artistes peignent en affirmant leurs idées et en laissant apparaître avec passion leurs impressions et sentiments personnels à travers leurs œuvres. Pour mieux comprendre ce qu'est le Romantisme voir l'œuvre de Théodore Géricault le Radeau de la Méduse).
Ainsi les artistes du réalisme veulent se rapprocher le plus possible de la réalité, créer un rapport étroit avec le réel en choisissant des sujets qui concernent leurs contemporains, montrer les classes sociales moyennes, voire populaires, celles qui sont généralement oubliées. Le réalisme est lié aux désordres politiques du moment, aux mouvements ouvriers.
Ainsi voit-on des artistes tels que Gustave Courbet, Honoré Daumier, Jean-François Millet, Edouard Manet créer une peinture engagée devenant le reflet d' une société. 

Gustave COURBET  1819-1877 :
Né à Ornans dans un village de Franche-Comté, il y peindra les lieux et les habitants. Sa vision réaliste donne une certaine noblesse à la vie paysanne, transgressant la hiérarchie des genres de peinture (par exemple en utilisant pour une scène de genre un gigantesque format traditionnellement destiné à la peinture d'histoire ou mélangeant dans une même peinture une scène religieuse avec une nature morte, une allégorie, et une scène de genre). C'est un artiste engagé politiquement, il combat la religiosité, le mépris des paysans et ouvriers, et participe en étant élu républicain à la Commune de Paris en 1871 (révolution populaire née de la guerre franco-allemande de 1870,  qui aspire à une république basée sur l'égalité sociale, qui devient une lutte des classes, écrasée par le gouvernement bourgeois). Courbet souhaite ouvrir la culture à tous, et sera encourager à faire tomber la colonne Vendôme à Paris, ce qui lui vaudra d'être jeté en prison. 
(Ce cours sera complété plus tard dans l'année avec le chapitre "l'artiste et la société, faire œuvre face à l'histoire et à la politique")

"La rencontre ou Bonjour Monsieur Courbet" 1854 129x149 huile sur toile Gustave Courbet


Dans l'œuvre "la rencontre ou Bonjour Monsieur Courbet", l'artiste évoque une banale rencontre dans la campagne montpelliéraine avec Alfred Bruyas (et son serviteur Calas) qui est un célèbre collectionneur et mécène de Courbet. L'artiste abaisse la ligne d'horizon pour mettre en valeur les personnages sur un fond bleu, ils prennent toute la hauteur du tableau et donnent le sentiment au spectateur d'être également présent dans la toile. Pourtant la rencontre a été inventée, elle est créée pour célébrer le lien qu'il y a entre l'artiste et le collectionneur, la toile devient une allégorie de l'engagement entre les deux hommes. Les textures de vêtements sont cependant réalistes et Courbet peint à côté de Bruyas son serviteur tête baissée, un plaid sur son bras pour le confort de son maître. Courbet aime également la peinture animalière, il représente donc le chien du collectionneur Bruyas, ce qui donne une forme de vérité à cette scène imaginée. 

Détail de "la Rencontre ou bonjour Monsieur Courbet"

Courbet porte un sac à dos dans lequel on trouve un coffre en bois contenant les premiers tubes de peinture et pinceaux, un chevalet de campagne démonté et une toile sans châssis supposant que Courbet s'adonne à ce nouvel exercice en plein air (les tubes de peinture sont inventés en 1841 et donnent une grande liberté aux artistes qui n'ont plus à fabriquer eux même leur peinture = gain de temps, sortie de l'atelier). Par cette peinture il montre une certaine modernité et annonce la tendance de la peinture sur le motif bien que ce tableau fut conçu paradoxalement en intérieur. 
"Biche morte" 1857 33x41.5 huile sur toile Gustave Courbet

"L'après-dînée à Ornans" 1849  195x257 huile sur toile Gustave Courbet 


"l'Atelier du peintre" 1855 361x598 huile sur toile Gustave Courbet


"La truite" 1872 55.5x87 huile sur toile Gustave Courbet.

Le tableau "la truite" a été exécuté à sa sortie de prison. Il s'inspire des truites sorties par les pêcheurs à Ornans. C'est donc une nature morte qui s'inscrit dans la tradition des natures mortes de pêche peintes par les maîtres hollandais du XVIIe siècle mais cette peinture n'est pas une simple nature morte. Derrière cette représentation il y a un caractère dramatique. Le poisson est encore vivant, pris par le hameçon, la gueule ouverte, les ouïes sanguinolentes. Le poisson vaincu, piégé, en pleine souffrance est une représentation du peintre lui-même qui a passé 6 mois dans une cellule à cause de ses engagements politiques. Le poisson représente son désespoir, au moment ou il va décider de s'exiler en Suisse où malade, il mourra épuisé par toute cette lutte. Paradoxalement, Courbet revient à une tendance romantique avec cette peinture, les contrastes de couleurs sont puissants, la pâte est rugueuse. 

Honoré DAUMIER 1808 Marseille 1879 Valmondois :
Caricaturiste, peintre et sculpteur, Daumier commente à travers ses œuvres la vie sociale et politique. du XIXe siècle. Il caricature les hommes politiques et les comportements de ses contemporains. Il sera d'ailleurs condamné à 6 mois de prison pour avoir  caricaturé Louis Philippe en Gargantua en 1831.


"Louis-Philippe en Gargantua dévore les écus arrachés au peuple miséreux, ce dont quelques élus, proches du trône, profitent également. Cette lithographie a entraîné la condamnation par le gouvernement de Daumier." BNF

Il continue son activité de caricaturiste politique  jusqu' en 1835, année où la loi sur la censure de la presse est imposée. Il va donc se consacré à la satire des mœurs bourgeois en se moquant de leurs travers, en accentuant les traits physiques donnant un côté ridicule aux hommes appartenant à la haute société. 
Honoré Daumier "Rue Transnonain" 15 avril 1834 lithographie sur papier


Honoré Daumier "Le défenseur" 1862/1865 stylo et encre noire, fusain, crayon et aquarelle sur papier couché

Honoré Daumier "le wagon de la troisième classe" 1863-1865 peinture à l'huile 65.4x90.2

Dans "le wagon de la troisième classe", Daumier représente le petit peuple et non les bourgeois afin de dénoncer la misère . Cette représentation du réel est dérangeante, les regards sont ternes, fatigués, les traits sont tirés

Jacques Lefevre (1773-1856), banquier, député, régent de la Banque de France


Honoré Daumier, Les célébrités du juste milieu - Comte Auguste Hilarion de Kératry dit aussi L'obséquieux terre cuite. 1833

Ses sculptures, bien qu'anciennes, ont une très grande modernité, et même si les traits des visages sont accentués, même si ce rapport au réel est déformé, il donne une idée assez précise de l'aspect psychologique des protagonistes et du regard que porte Daumier sur eux. 

- Jean-François MILLET 1814 1875
Célèbre pour ses scènes champêtres et paysannes, il est issu d'une famille nombreuse paysanne, il sera berger, laboureur mais également élevé par un oncle lettré. En tant que peintre il va avoir une certaine sympathie pour le milieu rural et va peindre de nombreuses scènes paysannes intérieures et extérieures. 
Petit à petit il va accorder de plus en plus d'importance aux jeux de lumière, à la pénombre et au clair-obscur, il va ainsi annoncer la venue de l'impressionnisme. 

"L'Angélus" de Jean-François Millet 1857 1859 huile sur toile 55.5x66

Dans "l'Angélus"  nous voyons un couple de paysans dans un champ de patates, au crépuscule, qui se recueillent pour la prière de l'Angélus (prière quotidienne chrétienne de l'église catholique, sonnée trois fois par jour par les cloches pour annoncer l'heure de la prière). Le son est évoqué par le clocher au fond en arrière plan. C'est donc une scène ordinaire, la composition est équilibrée, les lignes de force sont horizontales et verticales. Les personnages se détachent sur le ciel, ce qui donne un aspect spirituel à l'ensemble.  Il y a une grande douceur qui se dégage par l'harmonie des couleurs, les paysans sont à contre jour, leurs visages sont à peine perceptibles, mettant en avant leur posture, donc le recueillement. Quelques touches roses évoquent la lumière rasante, dans les nuages en haut et sur les manches de la femme et annoncent l'impressionnisme. Un vol d'oiseaux à droite donne une certaine quiétude à l'œuvre. 

"Le semeur" 1865 pastel et crayon de vois sur papier 47x37.5

"La leçon de tricot" 1860 Jean François Millet 41.5x31.9

Dans "la leçon de tricot", Millet crée une fusion entre les deux corps mère/fillette, elles forment un seul être doté de quatre mains, l'ambiance de la scène est hollandaise, on y retrouve la lumière transversale, claire, un intérieur chaleureux, le rouge et le bleu dialoguent. Le rouge crée une ellipse qui accroche le regard. Les deux personnages sont centrés, leurs formes sont rondes et contrastes avec les lignes droites de la pièce. Il y a une intimité partagée. 

Edouard MANET 1832 1883 :
Manet (à ne pas confondre avec Claude Monet)  s'attache à représenter la vie parisienne, les portraits et paysages marins. Il soutient les impressionnistes et à leur contact il délaisse la peinture d'atelier pour celle de plein air. Il oscille entre réalisme et impressionnisme. 

"Déjeuner sur l'herbe" Edouard Manet" 1863 huile sur toile 207x265 

Le déjeuner sur l'herbe va provoquer un scandale avec la nudité de la jeune femme en compagnie de deux hommes habillés. Ici Manet rompt avec le classicisme et l'académisme. Il bouscule le bon goût bourgeois avec une peinture moderne. Au premier plan se trouve un pique nique qui est une nature morte. 

« Le Déjeuner sur l'herbe est la plus grande toile d'Édouard Manet, celle où il a réalisé le rêve que font tous les peintres : mettre des figures de grandeur nature dans un paysage. On sait avec quelle puissance il a vaincu cette difficulté. Il y a là quelques feuillages, quelques troncs d'arbres, et, au fond, une rivière dans laquelle se baigne une femme en chemise ; sur le premier plan, deux jeunes gens sont assis en face d'une seconde femme qui vient de sortir de l'eau et qui sèche sa peau nue au grand air. Cette femme nue a scandalisé le public, qui n'a vu qu'elle dans la toile. Bon Dieu ! quelle indécence : une femme sans le moindre voile entre deux hommes habillés, mais quelle peste se dirent les gens à cette époque ! Le peuple se fit une image d'Édouard Manet comme voyeur. Cela ne s'était jamais vu. Et cette croyance était une grossière erreur, car il y a au musée du Louvre plus de cinquante tableaux dans lesquels se trouvent mêlés des personnages habillés et des personnages nus. Mais personne ne va chercher à se scandaliser au musée du Louvre. La foule s'est bien gardée d'ailleurs de juger Le Déjeuner sur l'herbe comme doit être jugée une véritable œuvre d'art ; elle y a vu seulement des gens qui mangeaient sur l'herbe, au sortir du bain, et elle a cru que l'artiste avait mis une intention obscène et tapageuse dans la disposition du sujet, lorsque l'artiste avait simplement cherché à obtenir des oppositions vives et des masses franches. Les peintres, surtout Édouard Manet, qui est un peintre analyste, n'ont pas cette préoccupation du sujet qui tourmente la foule avant tout ; le sujet pour eux est un prétexte à peindre tandis que pour la foule le sujet seul existe. Ainsi, assurément, la femme nue du Déjeuner sur l’herbe n’est là que pour fournir à l'artiste l'occasion de peindre un peu de chair. Ce qu'il faut voir dans le tableau, ce n’est pas un déjeuner sur l'herbe, c'est le paysage entier, avec ses vigueurs et ses finesses, avec ses premiers plans si larges, si solides, et ses fonds d'une délicatesse si légère ; c'est cette chair ferme modelée à grands pans de lumière, ces étoffes souples et fortes, et surtout cette délicieuse silhouette de femme en chemise qui fait dans le fond, une adorable tache blanche au milieu des feuilles vertes, c’est enfin cet ensemble vaste, plein d'air, ce coin de la nature rendu avec une simplicité si juste, toute cette page admirable dans laquelle un artiste a mis tous les éléments particuliers et rares qui étaient en lui. »

— Émile ZolaÉdouard Manet, 1867 


La composition est triangulaire, les 4 personnages s'y insèrent. La panier renversé au premier plan symbolise la luxure. Il y a donc un aspect érotique, une allégorie de la sexualité. Mais ce qui choque n'est pas seulement l'aspect moral. La technique novatrice ne passe pas auprès du public. Le paysage à l'arrière plan esquissé est critiqué, et la femme au fond ne respecte pas la perspective traditionnelle. Son échelle est trop grande. Il y a de forts contrastes de lumière et peu de dégradés. Ce qui fait que les personnages semblent détachés du fond. Cela donne un côté artificiel. Manet est dans la transgression, ce qui va fortement inspirer les jeunes impressionnistes qui y voit en Manet un chef de file. 


Le balcon d'Edouard Manet 1868 1869 huile sur toile 170x124

Les Majas au balcon de Francisco Goya 1808 1814  huile sur toile 194.8x125.7


La toile "le Balcon" de Manet est inspirée des "Majas au balcon" de Goya. A la fois portrait de groupe et scène de genre, l'oeuvre a été perçue comme dérangeante car elle fait preuve de réalisme (ce sont de véritables portraits de Berthe Morisot, Antoine Guillemet et Fanny Claus) et de théâtralité par le traitement de l'espace et le sujet. Le tableau assez grand est une scène de genre où il ne se passe rien. La perspective est absente, il n'y a pas de profondeur, l'encadrement vert choque car il enferme le tableau. Le balcon qui n'est pas celui d'un théâtre devient théâtral. Les personnages regardent tous dans des directions différentes. Les personnages sont à un balcon mais donnent le sentiment de regarder un spectacle; Finalement ils regardent le spectateur. Le regard est inversé et induit un hors champ, celui du spectateur. Cela rappelle le jeu de regard dans le  tableau des Ménines de Diego Velasquez que Manet affectionne particulièrement (l'artiste se représente en train de peindre la famille royale qui devrait se trouver... à la place du spectateur). 
Dans le Balcon, les trois personnages principaux sont des amis de Manet. La composition est verticale, et les horizontales sont très marquées, la palette est faussement réduite (vert, blanc, noir) avec un fort contraste noir/blanc. 

 
Edouard Manet "Un bar aux Folies Bergère" 1881 1882 peinture  à l'huile 96x130

"Un bar aux Folies Bergère"
est la dernière œuvre majeure de l'artiste. Cette œuvre n'a pas été peinte dans un bar, mais dans son atelier dans lequel le bar a été reconstitué. Il y a de nombreux détails dans l'image. marbre, bouteilles, compotier, fleurs, miroir qui ne semble pas renvoyer exactement le reflet. On y voit le reflet de l'homme qui se trouve en face de la jeune femme qui devrait être le spectateur. On est donc ici dans le faux-semblant.  Tout est reconstitué, même le reflet n'est pas réel et pourtant le rapport au réel est tout de même assez fort. Manet fait le portrait d'anonymes, et retranscrit l'atmosphère typiquement parisienne, la composition rappelle celle de la photographie qui a fait son apparition durant ce siècle, et le hors champ est signifiant. Le noir est distribué de manière équilibrée dans la toile, et au premier plan Manet glisse de belles natures mortes. La lumière qui s'y reflète rend l'arrière plan incertain, évanescent. IL y a un fort contraste entre la structure horizontale de l'arrière plan qui croise la verticale du corps et le faux désordre qui se trouve dans le nombre incertain de clients dans le reflet qui se mélange aux nombreux objets posés au premier plan. Finalement c'est le visage de la jeune femme qui parait clair, limpide, au milieu d'un mouvement de foule qu'on devine bruyante. Et tout ceci reconstitué dans son atelier. 

4. LE RÔLE DE LA PHOTOGRAPHIE DANS LA REPRESENTATION

L'arrivée de la photographie (inventée en 1839 date officielle) va bousculer la manière de représenter des artistes et leur rapport au réel. Puisqu' un outil peut représenter plus rapidement et plus facilement le réel (pauses moins longues, coût moins élevé pour le client), les artistes vont devoir se réinventer face à l'engouement de la photographie. Certains vont l'utiliser comme aide en achetant des images de modèles aux photographes comme Eugène Delacroix qui va commander des images de nus au photographe  Eugène Durieu (voir ci-dessous) pour ensuite en faire une peinture. Il n'a ainsi plus besoin du modèle devant lui et c'est un moyen efficace pour garder en mémoire son travail. En revanche il n'est pas satisfait des photographies de modèles qui circulent et va donc être très présent lors de la prise de vue pour guider le photographe.
Vous pouvez en lire plus sur le rapport de Delacroix avec la photo ici 


a. L'IMPRESSIONNISME

Mais c'est surtout chez les impressionnistes que l'influence de la photographie se fait sentir le plus.

- Chez Gustave Caillebotte (1853-1910) le cadrage choisi par l'artiste en est empreint. Les hors champs sont fortement présents, la découpe du cadrage donne la sensation de l'instantanéité et donne un effet de mouvement. Son frère Martial Caillebotte est photographe, Gustave s'initiera également. A tous les deux, avec des moyens différents ils refléteront l'esprit du Paris Haussmannien, des promenades bucoliques. le spectateur se trouve embarqué dans une barque, ou se trouve face à une rue en plein Paris.  Si Gustave Caillebotte est influencé par la photographie qui permet de prendre des scènes sur le vif, dans la rue, sur un bateau etc... on peut constater que son frère Martial semble lui-même influencé par la peinture de son frère. On retrouve les mêmes types de cadrages. Voir ci-dessous.


Gustave Caillebotte "rameur avec un chapeau" 1877-1878 huile sur toile 90x117



Martial Caillebotte (Gustave Caillebotte et Bergère sur la Place du Carrousel) 1892



Martial Caillebotte (Moi au balcon) 1891


Gustave Caillebotte "homme au balcon" 1880 116x97 huile sur toile


Gustave Caillebotte "Rue de Paris, temps de pluie" 1877 huile sur toile 212x276  



Si Caillebotte recherche à coller à la réalité, à rendre ce rapport au réel très étroit, et à utiliser la photographie comme repère, il n'en va pas de même pour d'autres impressionnistes comme Claude Monet 1840-1926. 
Claude Monet va chercher à rendre par la peinture ce que ne peut faire la photographie à l'époque : les changements fugaces de la lumière et de la couleur. Il va renouveler la peinture, la rendre plus moderne. En 1874 il présente lors d'une exposition à Paris "impression, soleil levant" qui deviendra le manifeste d'un nouveau style : l'impressionnisme. 

Claude Monet "impression, soleil levant" 1872 huile sur toile 48x63

Ce tableau est une "marine", Monet l'a peinte un matin tôt au Havre. Le critique d'art Louis Leroy, voulant se moquer du tableau, donnera comme titre à l'exposition " l'exposition des impressionnistes", sans savoir qu'il venait malgré lui de donner le nom à un mouvement artistique.  

Ce tableau est audacieux. Au premier plan nous avons une silhouette sombre sur une barque, sans détail. Une seconde plus floue encore donne un effet de profondeur. Le soleil rouge contraste fortement avec l'ensemble, et quelques touches rouges donnent son reflet dans l'eau. Les traces de pinceaux sont très visibles, épaisses, la touche donne une vibration à la surface. L'arrière plan est à peine esquissé, les couleurs sont sourdes, se mélangent. Le geste de l'artiste est présent. On est ici très loin de la représentation photographique. Claude Monet veut s'en détacher. Puisque la photographie fait aussi bien, voire mieux que la peinture traditionnelle, Claude Monet fera autrement et proposera sa vision de la lumière colorée. 

détail de " impression soleil levant"

détail de " impression soleil levant"

Ainsi il observe que selon le moment de la journée ou de l'année les couleurs changent. Elles peuvent être froides, chaudes, changeantes. Monet va réussir à créer une surface vibrante avec une peinture à l'huile épaisse dont le relief produit naturellement des ombres. Pour rendre compte de ce changement de couleurs il opte pour le travail en série sur le même motif. Meules de foin, façade de la cathédrale de Rouen, Nymphéas etc... 
"Les Meules" est une série de 25 peintures commencée après la moisson de la fin de l'été 1890 jusqu'au début de l'année 1891. Monet n'hésitera pas à acheter les meules situées dans un champ proche de sa maison à Giverny pour les laisser sur place pour pouvoir avoir le temps de les peindre durant l'hiver. Ainsi le motif est répété afin de montrer les différents effets de lumière et de l'atmosphère changeante au fil des heures. 

 

Claude Monet "meules fin de l' été" 1890 1891 huile sur toile 60x100

Claude Monet "les meules, effet de gelée blanche " 1889 huile sur toile 65x92

Claude Monet "meule, soleil couchant" huile sur toile 73x92 

Chez Claude Monet il n'y a plus de contours, pratiquement pas de noir, la touche est mouvementée, elle se superpose, il faut prendre du recul pour voir la forme. Les couleurs sont nombreuses. 
Monet n'hésite pas à sortir de l'atelier avec plusieurs toiles, chaque toile étant réservée à un moment précis de la journée. Ainsi peut-il rendre des changements de couleurs dus au temps qui passe. 
détail de "meule , soleil couchant"

Meules, derniers rayons de soleil 73x92 huile sur toile 1890


Plus tard il réalisera une série de 30 tableaux représentant la façade de la cathédrale de Rouen. Il s'installe dans une boutique qui se trouve en face, il est proche de la cathédrale et ne peut voir son ensemble. Il la peint au crépuscule, à midi, par temps de brouillard etc... Il montre ainsi les variations de lumière. Il devait se dépêcher de peindre avant que la lumière ne change. Ainsi ne s'attardait-il pas sur les détails. Seule l'atmosphère comptait. La touche est très épaisse, créant de petites ombres réelles , donnant une granulosité à la surface. 
Cathédrale de Rouen 1892 1894 série de 30 tableaux huile sur toile 100x65
"Le Portail (soleil) 1892 100x65 huile sur toile

Le Portail brouillard matinal 1894 100x65

La Cathédrale de Rouen 106x63 1893

Ainsi Monet aime le motif. Il ira jusqu'à se faire réaliser des bassins dans sa maison de Giverny pour y mettre des nénuphars pour qu'il puisse avoir ces motifs à sa disposition. 

La série des Nymphéas comporte 250 peintures à l'huile créées durant les 31 dernières années de sa vie. C'est à ce moment de sa vie que Monet eu des problèmes de vision. Atteint de cataracte, il va aller à la limite de l'abstraction (qui n'existe pas encore). Ses formats sont très différents les uns des autres ainsi que leurs tailles. 

Nymphéas 1897 1898 66x104 huile sur toile



Nymphéas et pont japonais 1899 93x74



Nymphéas 1903 88x91 huile sur toile



Nymphéas 1908 diamètre 80cm huile sur toile




Claude Monet Les Nymphéas 1914 1926 219x602

Le Pont japonais sur le bassin des nymphéas 1920-1924 89x92

Nymphéas 1922 200x213 huile sur toile

Ainsi, avec l'invention du tube de peinture et de la photographie, les impressionnistes sortent de l'atelier, s'émancipent des commandes de l'église et de la noblesse, et s'adonnent à la peinture en plein air afin de saisir des scènes de la vie quotidienne. C'est une véritable révolution picturale qui incarne l'instant présent, le paysage et la vie moderne. C'est un grand tournant dans l'histoire de l'art. Paradoxalement c'est l'arrivée de la photographie fidèle à la réalité qui va pousser les artistes à faire autrement et prendre de la distance avec le réel. 

b. L'HYPERREALISME 

L'hyperréalisme est un mouvement artistique qui date des années 70, marqué par le Pop Art,  et qui consiste à réduire l'écart entre réalité et représentation, que ce soit en peinture ou en sculpture. Le réalisme est à son summum. Les peintures ressemblent à s'y méprendre à une photographie, les sculptures semblent être des objets ou êtres réels.  D'ailleurs les artistes étaient qualifiés de photoréalistes avant que le terme d'hyperréalisme n'apparaisse. 
L'hyperréalisme se traduit par une précision et une froideur clinique dans le moindre détail. Il n'y a aucun contenu émotionnel. La technique et la peinture de chevalet sont  de retour, la photographie devient le repère. La touche du pinceau est effacée, le geste ne doit pas être visible. la peinture doit rester lisse. La technique picturale des hyperréalistes rappelle la maîtrise technique  des primitifs flamands du XV et XVIe siècles ( comme ci-dessous) qui à leur manière faisaient également de l'hyperréalisme selon les canons esthétiques de l'époque (mais le terme "hyperréalisme" n' existait pas, c'est un terme contemporain).

Exemple d'un primitif allemand ; Jan van Eyck, L'Homme au turban rouge, 1433 huile sur panneau 25.5x19

Ci-dessus "l'homme au turban rouge" de Jan Van Eyck. On y décèle un rendu fidèle et méticuleux, la peinture à l'huile permet d'obtenir une pureté et une luminosité importante. Le glacis ( superposition de couches pigmentées et transparentes) donne une certaine profondeur à la peinture. 



Au XXe siècle l'hyperréalisme est donc une réaction à l'expressionnisme dans l'art abstrait. Nous allons voir quelques artistes importants de ce mouvement : 

- Chuck CLOSE 1940 2021 :
Artiste américain, c'est l'un des principaux représentants de l'hyperréalisme. Son travail est axé principalement sur le portrait exécuté sur des formats gigantesques. Il utilise la technique de l'agrandissement au carreau pour changer l'échelle. Le portrait est donc reproduit carré par carré avec une extrême précision, on peut y voir chaque poil, chaque cheveu avec une grande précision. La photographie est divisée à l'aide d'une grille qui va être reproduite sur la toile à une échelle plus grande. Close est atteint de "prosopagnosie", c'est à dire qu'il est incapable de reconnaître les visages, ce qui est paradoxal puisqu'il passe ses journées sur la reproduction de visages. 
La grille utilisée va petit à petit faire partie de son processus créatif et devenir un sujet en tant que tel. Ainsi, nous verrons apparaitre sur les portraits des carreaux qui vus de près et de manière individuelle sont abstraits, mais qui assemblés reconstruisent une image figurative précise. Le spectateur est amené à s'approcher et s'éloigner de l'œuvre pixelisée, le rapport au corps est enclenché. 



Chuck Close devant son chevalet

Chuck Close devant sa peinture "Mark" 1878-1979 acrylique sur toile 274.3x213.4  


Big Self-Portrait, 1967–1968
peinture acrylique sur toile
(273.1 x 212.1 cm)

Détail de Big Self-Portrait



eslie/Watercolor, 1972-1973
Aquarelle sur papier marouflé sur toile (184.2 x 144.8 cm)

Janet, 1989
huile sur toile 36 x 30 po (91,4 x 76,2 cm)

détail de Janet
Autoportrait, 1997
huile sur toile 102 x 84 po (259,1 x 213,4 cm)

Détail d'Autoportrait


Chuck Close au travail
Victime d'une rare lésion de la moelle épinière qui le cloue sur un fauteuil roulant, il invente un système pour faire tenir son pinceau à son bras. 

- Richard ESTES (né en 1932)
Peintre américain de paysages urbains, Richard Estes travaille à partir de ses propres clichés photographiques qu'il ne reproduit pas à l'identique. Il enlève certains composants tels que certaines traces humaines, ou déchets présents sur la  photo, donnant un aspect froid et aseptisé à la peinture; Il joue avec les reflets des vitrines, la lumière et l'espace fragmenté par des lignes qui composent l'ensemble. L'architecture y est très présente. 


Richard Estes, Double Autoportrait, 1976. Huile sur toile (60,8 x 91,5 cm).

Richard Estes, Pont de Brooklyn,1993. Huile sur toile (99,06 x 198,12 cm)

Richard Estes, Horn and Hardart Automat,1967. Huile sur Masonite, 48 x 60 in

- Duane HANSON 1925- 1996

Sculpteur américain, Duane Hanson crée des moulages directement sur des modèles vivants. Il travaille donc à l'échelle 1, et recherche une certaine justesse dans la représentation de ses corps qu'il recouvre de véritables vêtements, et les entoure d'objets réels. Après avoir épilé et recouvert de vaseline les parties du corps à reproduire, il crée le moulage avec des bandes de plâtre. Plusieurs parties du corps sont ainsi moulées.   Il utilise ensuite de la fibre de verre mélangée à de la résine (parfois du bronze)  qu'il peint à la peinture à l'huile  pour être au plus près de la réalité. Il représente les taches de rousseur, veines, rides etc...  Ses sculptures sont mises en scène reproduisant des scènes de la vie quotidienne. Ses personnages sont la plupart obèses, déprimés, le regard dans le vide, seuls. Ce sont souvent des figures modestes à l'écart de la réussite. Il critique ainsi le côté obscur du rêve américain, la pauvreté, le mal-être, ainsi que le conformisme bourgeois

«Mon travail montre des gens qui sont dans un état assez désespéré. Je donne à voir le ras-le-bol, la fatigue, l’âge, la frustration. Ces gens ne peuvent pas entrer dans la compétition. Ils sont psychologiquement handicapés.» Duane Hanson.

Son travail est également engagé, il parle de racisme, des ravages des avortements illégaux, de la guerre. Il force le spectateur à se confronter à une réalité volontairement ignorée. Il pointe du doigt cette société de consommation qui ne rend pas heureux. 

Duane Hanson dans son atelier 1991

Housewife (1975) and House Painter (1984)

Guerre, 1967
‎1968: Emeute raciale

Supermarket Lady, 1969

Duane Hanson en train de mouler un modèle. 

Femme avec chien 1977

Touristes II 1988

Les objets sélectionnés sont importants pour la mise en scène. C'est ce qui va achever la sculpture pour lui donner un aspect encore plus réaliste. Il les achète dans des friperies, grandes surfaces pour pouvoir raconter une histoire. Il cherche à diminuer la distance entre l'art et la vie. 
Hanson procède à des modifications sur les moulages des visages de manière à ce que la sculpture ne ressemble pas au modèle. Il ne cherche pas à faire des portraits de gens, mais plutôt à représenter une catégorie sociale. Il y a donc un questionnement sur la représentation du réel et une volonté de l'artiste de se détacher de la réalité. 


Quelques citations de Duane Hanson : 

Mon art est quelque chose de conceptuel, presque de politique. J’ai du mal à m’exprimer avec des mots, alors je le fais à travers mon travail. Je crois que la société a besoin d’une réforme ; elle ne fait rien pour les gens ; il n'y a rien d'exaltant pour l'homme moyen. Mon art est pour tous les hommes, il rejoint les gens à travers les musées et les galeries. 

 Je suis surtout intéressé par la forme du corps humain comme sujet et ressource d’expression de ma sculpture. Qu’est-ce qui pourrait susciter plus d’intérêt, de fascination, de beauté, de laideur, de joie, d’étonnement ou de contemplation qu’un être humain. 

 Tout d'abord, et avant tout, je suis un sculpteur. Mon intérêt le plus important est d’obtenir des formes correctes. 

 Voici enfin quelque chose que je voulais absolument dire sur la vie qui nous entoure aujourd'hui. Mais, ce qui est encore plus important, après des années d’entreprises peu gratifiantes avec des travaux abstraits, non objectifs et fondés sur des représentations conventionnelles [...], j’avais embrassé le réalisme comme mon mode d’expression. 

 Le sujet que je préfère, ce sont les gens ordinaires des classes populaires et moyennes de l’Amérique d’aujourd’hui. Pour moi, la résignation, le vide et la solitude de leur existence captent la véritable réalité de la vie de ces gens.

 Je suis allé à l’école et ai entendu qu’il fallait être moderne... Je ne me suis réellement animé que lorsque le Pop Art a rendu sa légitimité au Réalisme. 

 Je ne copie pas la vie. Je dresse un bilan des valeurs humaines.

 J’essaie de ne pas choisir des gens très attirants, avec un visage intéressant ou une expression étrange. J’essaie de me tenir à l’écart de cela, de confronter les gens à quelque chose qui appartient à leur expérience quotidienne. 

 Pourquoi ne devrions-nous pas protester contre les choses folles et idiotes que font les gens, en particulier les bureaucrates ? 

 La manière dans laquelle j’accessoirise (mes sculptures) est très importante. Leurs habits doivent réfléchir leurs attitudes et raconter une histoire – de manière précise. 

 Le Pop Art m’a certainement stimulé, en particulier le travail de George Segal. (source : DosPédHansonDéf (irisnet.be)


5. LA VALEUR EXPRESSIVE DE L'ECART AVEC LE REEL 

A l'inverse des artistes vus précédemment, nous allons nous pencher sur ceux qui ont cherché à s'éloigner de la ressemblance et à trouver dans cet écart une valeur expressive. Le XXe siècle a été le siècle où les artistes ont fait preuve d'une grande liberté dans cette recherche expressive. Comme nous l'avons vu, l' arrivée de la photographie au 19e siècle a bousculé les représentations et a conduit les artistes à suivre d'autres chemins. L'an dernier nous avions vu comment Pablo Picasso s'est emparé de cet écart. Nous étudierons ci-après l'expressivité d'Edvard Munch, puis  le travail sur la couleur des Fauves et plus particulièrement celui d' Henri Matisse et pour finir la représentation chez Jean-Michel Basquiat. 

- Edvard MUNCH  (1863 1944) Norvège

Peintre expressionniste norvégien, Munch est de santé fragile, il souffre de bronchites chroniques, il perd sa mère à 5 ans, sa jeune sœur meurt à 15 ans, son autre sœur est dépressive, son frère décède de pneumonie. Son père l'élève seul, la religion y est importante, son éducation est dure.  On comprend alors pourquoi ses tableaux sont souvent marqués par la mort, l'angoisse, la mélancolie, la peur. Il cherche à exprimer ses états d'âme plutôt que la représenter la réalité telle qu'elle est. 

 
Edvard Munch 1893 "Le cri" 91x73.5


"Anxiété" 1894 huile sur toile 94x74

Munch écrit dans son journal « Je me promenais sur un sentier avec deux amis — le soleil se couchait — tout d'un coup le ciel devint rouge sang. Je m'arrêtai, fatigué, et m'appuyai sur une clôture — il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord  bleu-noir de la ville — mes amis continuèrent, et j'y restai, tremblant d'anxiété — je sentais un cri infini qui passait à travers l'univers et qui déchirait la nature. »

Cette citation ci-dessus rend le tableau "le cri" autobiographique. L'expressivité du tableau donne un sentiment de malaise grâce au ciel rouge et jaune, les formes sont sinueuses, comme déformées, elles sont en contraste avec le bleu des collines au fond dont les formes épousent celles du ciel, créant un sentiment d'hallucination . La scène n'est donc pas réaliste mais exprime cette angoisse ressentie sur le moment. L'expressivité est le reflet de ses propres émotions, de ses propres tourments. 
Il existe 5 versions du "cri" :

1893 pastel sur carton
1895 pastel sur carton

1910 Tempera sur carton

Lithographie 1895

Mais le cri est plus celui de la nature que celui du personnage. En 1883 le Krakatoa, volcan indonésien, entre en éruption violente et bruyante. Les secousses sismiques auraient parcouru 7 fois le globe avec un bruit si puissant qu'il aurait été entendu à 4800km. Des millions de particules de cendres volcaniques auraient été rejetés dans l'atmosphère s'éparpillant jusqu'en Norvège. Cela expliquerait alors la citation de l'artiste (plus haut) "le cri infini qui passait à travers l'univers"

Le tableau n'est que lignes droites et sinueuses. Le visage déformé est inspiré d'une momie ramenée du Pérou, exposée à Paris en 1889 à l'exposition universelle, que nombreux artistes dont Munch auraient vue. 
Momie chachapoya Pérou 1Xe - XVe siècles


La danse de la vie Edvard Munch 1899 1900 huile sur toile 125x191

"Au milieu, la grande toile que j'ai peinte cet été. Je dansais avec mon premier amour ; il s'agissait d'un souvenir d'elle. C'est alors qu'entre la femme souriante aux boucles blondes, qui veut arracher la fleur de l'amour, mais qui ne s'autorise pas à être elle-même cueillie. A l'opposé, une femme habillée de noir regarde, pleine de chagrin, le couple en train de danser. Elle est l'exclue, tout comme j'ai été exclu par sa danse [...]" Edvard Munch

Encore ici il s'agit d'un autoportrait, les couleurs sont criardes, la robe rouge accroche le regard, mais sa forme lui donne un aspect mou, comme si l'image était sur le point de se déformer. Comme si l'hallucination était proche, Munch se trouve avec l'amour (le rouge) au milieu de la vie (le blanc) et de la mort (le noir). 

- LE FAUVISME (1903 1910)
Courant artistique du début du 20e siècle, le fauvisme est caractérisé par l'utilisation de formes simplifiées et l'utilisation d'aplats colorés, les couleurs sont pures, vives et ne se réfèrent pas à l'objet présenté. Un arbre ne sera pas vert mais multicolore, les couleurs deviennent audacieuses et se détachent de ce qu'elles sont censées représenter. Les artistes vont plus loin que l'impressionnisme jugé trop doux. La couleur devient violente, provocatrice, le noir est proscrit, et lors du salon d'automne de 1905, les artistes provoquent le scandale avec cette nouvelle façon de peindre. Le critique d'art Louis Vauxcelles qui les traitera de Fauves et dira que " ce sont des pots de peintures jetés à la figure du public" donnera sans le vouloir le nom au mouvement. 

André Derain "l'Estaque, route tournante, 1906, huile sur toile  129.5x195
- HENRI MATISSE (1869-1954 FRANCE)
Matisse est clair de notaire avant de devenir artiste. Après un séjour à l'hôpital à 20 ans où il découvre la peinture, il décide de changer de voie. Il prend des cours aux Beaux Arts de Paris dans l'atelier de Gustave Moreau qui encourage ses élèves à rêver leur peinture, à sortir des chemins balisés. Dès 1905 il fréquente le groupe des Fauves et expose au salon des indépendants qui fit scandale. 

Henri Matisse " Madame Matisse dit La Raie Verte" 1905  huile sur toile 40.5x32.5

Ce tableau "la Raie Verte"  est un portrait de la femme d'Henri Matisse.  On sent à travers cette peinture l'influence de l'art japonais. Son visage avec son chignon bleu évoque les estampes japonaises que Matisse affectionne. L'artiste a enlevé les détails, les ombres sont caractérisées par des couleurs et notamment la ligne verte au milieu du visage. Cette dernière scinde le visage  en deux et l'arrière plan est également fractionné en  trois parties : violet, orange et vert.  Les couleurs froides s'opposent aux couleurs chaudes, le visage comporte une quantité de touches colorées qui rappellent celles de l'arrière plan. La touche du pinceau est visible, énergique. La couleur prend la place de la ligne pour donner le volume.

La couleur ici a le rôle principal. Le sujet devient prétexte à ces expérimentations chromatiques. L'écart avec la réalité devient source d'expressivité. La ressemblance avec Madame Matisse est moins importante que l'harmonisation des couleurs entre elles. Il y a un dialogue entre les couleurs de l'arrière plan et celles du sujet tout en veillant bien à ce que chaque couleur soit séparée, en contraste avec sa voisine ou délimitée par une ligne noire. 

Dans la photographie d'Henri Cartier-Bresson ci-dessous on peut observer comment Matisse travaille à partir d'un modèle. Il place ses lignes, puis travaille par surface, elles sont délimitées, ici nous voyons que le fond est déjà représenté, les motifs sont évacués. IL n'a plus qu'à placer les couleurs. On remarque que  l'écart avec le réel est présent dans son processus de création. Il a bien un modèle devant lui mais ne va pas le représenter tel qu'il est. 
Photographie de Henri Cartier-Bresson de Henri Matisse devant son modèle Micaela Avogadro à Vence en 1944




 JEAN-MICHEL BASQUIAT(1960-1988 USA)

Basquiat nait en 1960 d'une mère portoricaine et d'un père haïtien. Il commence sa carrière dans la rue en 1976 en graffant près des galeries de Manhattan sous le pseudo de SAMO (Same old Shit traduit en "toujours la même merde" = rien de neuf). Ces dernières, intriguées,  vont finir par s'intéresser à son travail. 

Il deviendra un ami intime d'Andy Warhol avec qui il collaborera. 

Son style est très personnel : c'est un mélange d'art africain, de vaudou, de Jazz, de nervosité, de dessin et d'écritures. 
Le dessin a une grande importance dans sa pratique et est très présent dans sa peinture,  il passe naturellement du graffiti dans la rue à la peinture sur toile. Le graffiti se répand à New York dans le métro, et est sévèrement puni vers 1975.
 Basquiat peint ce qu'il voit dans la rue, les enfants, la pauvreté, les voitures, les graffiti, il est obsédé par la mort et représente des crânes ou squelettes. 
Il travaille également sur son identité noire et son histoire en représentant de grandes figures noires comme dans l'œuvre ci-dessous.

Jean-Michel Basquiat "boxeur" 1982 acrylique, huile et crayon sur toile 193x239


Basquiat fait référence dans "boxeur" au champion poids lourd Joe Lewis surnommé "le brown bomber" qui a gagné de nombreux combats par KO. Il représente la réussite d'un peuple opprimé, la peinture est agressive, le geste est vif, l'ensemble est très graphique et contrasté. La composition est basée sur un axe symétrique. Les yeux semblent écarquillés, le personnage ressemble presque à une machine de guerre. On y sent la colère de Basquiat, on y voit ses tourments. Tout n'est que "cri". L'œuvre devient hybride oscillant entre peinture et dessin. Elle est puissante, imposante avec son personnage les bras levés, on est à la fin d'un match, il est vainqueur et la composition semble vibrer. Le personnage est majestueux, il en impose. On est hypnotisé par son regard, sa bouche en forme de grille met mal à l'aise, il ressemble à un guerrier dont les peintures vaudou le rendent encore plus effrayant. 


Jean Michel Basquiat "Glenn"1984 acrylique, collage et crayon 254x289.6


Jean-Michel Basquiat "Skull" 1981 peinture acrylique, crayon sur toile 207x175.9
 
L'œuvre de Basquiat est davantage tournée vers l'esquisse que vers la véritable figuration. Le geste est primitif mais très présent, la représentation du corps est assez éloignée de la réalité, mais l'énergie est là, débordante, agressive, et le personnage représenté est souvent imposant. On y perçoit l'expression d'une certaine rage. Les inscriptions y sont souvent mystérieuses, comme une sorte de langage incompréhensible. Tout donne à croire que Basquiat avait conscience que son temps était compté. Il est mort d'une overdose à 28 ans. 



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