Les œuvres du programme limitatif de l'année 2024-2025 sont :
I. Documenter ou augmenter le réel
- ►Joseph Vernet , (1714-1789), "la ville et la rade de Toulon, deuxième vue, le port de Toulon, vue du mont Faron", 1756, huile sur toile, H : 165 cm, L : 263cm, Paris, musée du Louvre
- ►Andréas Gursky (1955-) "99 Cent, 1999, tirage : 5/6, photographie, épreuve couleur sous Diasec, épreuve chromogène, 206.5x337x5.8 cm (197x327 cm hors marge), Paris, Musée national d'art moderne (MNAM)
II. Nature à l'œuvre
- ►Rosa Bonheur (1822-1899), Labourage nivernais, 1849, huile sur toile, H : 133 cm, L : 260 cm, achat après commande de l'État en 1849. Musée d'Orsay, Paris ;
I. Documenter ou augmenter le réel
- ►Joseph Vernet , (1714-1789), "la ville et la rade de Toulon, deuxième vue, le port de Toulon, vue du mont Faron", 1756, huile sur toile, H : 165 cm, L : 263cm, Paris, musée du Louvre
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Portrait de Joseph Vernet par Elisabeth Vigée Le Brun huile sur toile 92x72 musée du Louvre Paris. |
CLAUDE LORRAIN (né Claude Gellée) (Champagne, 1600 - Rome, 1682) : Vue fantastique d’un port au coucher du soleil, 1639, huile sur toile, 103 x 137 cm |
Nicolas Poussin – Paysage avec Orphée et Eurydice (1650-1653) |
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Joseph Vernet - L'entrée du port de Marseille (1754) |
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Intérieur du port de Marseille, vu du pavillon de l'Horloge du Parc1754 |
« Comme c’est dans ce port que se fait le plus grand commerce du Levant et de l’Italie, l’auteur a enrichi ce tableau de figures de différentes nations des Echelles du Levant, de Barbarie, d’Afrique et autres. Il y a réuni ce qui peut caractériser un port marchand, et qui a un commerce très étendu. » (Livret du Salon de 1755)
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Vue du golfe de Bandol : la Madrague ou la pêche au thon 1754 |
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Vue du port de Toulon, le Port-Neuf pris a l'angle du Parc d'artillerie 1755 |
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La ville et la rade de Toulon, deuxième vue, le port de Toulon vue du Mont Faron 1756 |
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Troisième vue de Toulon : la vieille darse, prise du côté des magasins aux vivres 1756 |
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Le Port d'Antibes en Provence, vu du côté de la terre 1756 |
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Vue du port de Sète 1756 |
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Vue d'une partie de port et de la ville de Bordeaux, prise du côté des Salinières 1756 |
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1ere vue de Bayonne, prise à mi-côte sur le Glacis de la Citadelle 1759 |
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Deuxième vue de Bayonne, prise de l'allée des Boufflers, près de la porte de Mousserole1755 |
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Vue du port de La Rochelle, prise de la petite Rive1762 |
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Joseph Vernet, Vue du port de Rochefort, prise du magasin des Colonies.1750 |
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Vue du port de Dieppe (1765) |
« L’auteur a regardé la pêche comme le caractère distinctif de ce port, et a orné le devant de ce tableau des divers poissons que l’on pêche dans ces parages, et des différents habillements des habitants. L’heure du jour est le matin. » (Livret du Salon de 1767)
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Deuxieme vue du port de Bordeaux prise du château Trompette 1759 |
Les paysages de Vernet sont des paysages idéalisés et poétisés, côtiers, il s'inspire de la réalité pour la magnifier. il maîtrise parfaitement la dimension spatiale du paysage, c'est à dire que l'espace est coupé de la sorte : deux-tiers pour le ciel et un tiers pour la mer et le rivage. L'espace parait infini par la présence de la ligne d'horizon. La lumière est également très importante. Elle permet de varier les effets météorologiques d'un paysage, ou selon le moment de la journée. Il reprend le contre-jour du Lorrain. Il peint des scènes diurnes et nocturnes dans lesquelles l'espace et la lumière sont les éléments principaux de la composition, comme chez les peintres classiques. Mais ce qui le différencie de ce mouvement, c'est que les figures religieuses ou mythologiques présentes dans le classicisme sont remplacées par des scènes contemporaines de l'artiste telles que des travailleurs ou des personnages s'adonnant aux loisirs. Ainsi Vernet, par sa façon de peindre et par sa place dans la chronologie de l'histoire de l'art, se situe entre le classicisme et le néoclassicisme.
"la ville et la rade de Toulon, deuxième vue, le port de Toulon, vue du mont Faron", 1756, huile sur toile, H : 165 cm, L : 263cm, Paris, musée du Louvre |
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perspective avec deux points de fuite |
Exemple de paysage réaliste : Antoine Watteau "paysage fluvial" 1716
Exemple de paysage arcadien : Pierre-Henri de Valenciennes, L'Ancienne ville d'Agrigente (The Ancient Town of Agrigentum), 1787 |
Les italiens, quant à eux, développent une peinture de paysage urbain (les vedute) tels que Canaletto ci-dessous avec sa vue de Venise et sa composition structurée qui montre une grande maîtrise de la perspective.
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Exemple de veduta : Le Grand Canal du palais Balbi au Rialto (vers 1723) Canaletto |
Les peintres français se libèrent des contraintes académiques, ils ne cherchent plus une représentation parfaite de la beauté mais une manière d'exprimer des sentiments, une forme de sensualité. Nous sommes en plein Rococo. Ainsi les scènes galantes voient le jour, elles représentent des rencontres entre personnages appartenant à l'élite de la société et évoluant dans des parcs, jardins, îles... Antoine Watteau en fut l'initiateur. Avec sa peinture il se détache de la présence de scènes mythologiques ou religieuses, il ne représente pas, comme Nicolas Poussin l'a fait, des personnages habillés à l'antique. Il représente des personnages de l'aristocratie française, richement vêtus et oisifs, représentant une certaine légèreté française.
- ►Andréas Gursky (1955-) "99 Cent", 1999, tirage : 5/6, photographie, épreuve couleur sous Diasec, épreuve chromogène, 206.5x337x5.8 cm (197x327 cm hors marge), Paris, Musée national d'art moderne (MNAM)
- 1. Qui est Andréas Gursky ?
Photographe allemand né en 1955, Andréas Gursky fait de très grands formats avec une définition et une précision extrêmes. Il fait partie du réalisme photographique, par ses choix de thèmes et de travail en série, il se rapproche (sans en faire partie) du pop art. Ses photographies contiennent une foule de détails qui saturent l'espace. Il y a l'idée de répétition, et ses photographies représentent le monde actuel. Ses photographies ne privilégient ni le premier plan, ni l'arrière plan. Il photographie la nature, les villes, des centres commerciaux, des foules. Il invente à travers ses photos un nouveau monde à partir d'éléments existants.
Bernd And Hilla Becher - Water Towers, 1967-83. |
Andréas Gursky, quant à lui, est aussi dans l'idée du document photographique, mais il va utiliser la manipulation numérique, le montage photographique pour créer une nouvelle image à partir du réel.
Andreas Gursky "1955 république démocratique allemande Mercedes? Rastatt 1993 |
Prada I 1996 Andréas Gursky |
Au début des années 2000, Gursky agence ses montages photographiques tels que des kaléidoscopes avec des motifs répétés donnant un aspect vertigineux.
Mark Rothko "n°6 violet, vert, rouge" 1951 huile sur toile 238.8x145.1 expressionnisme abstrait |
L’espace naturel est instrumentalisé par l'homme, qui se l'approprie, le modifie comme on peut le voir dans l’œuvre Les Mées de 2016, on y voit un paysage composé de collines douces dans le sud de la France, pratiquement recouvert entièrement de panneaux photovoltaïques qui font comme une seconde peau, un peu ironique. Le vert de la verdure est remplacé par le noir des panneaux solaires qui sont pourtant considérés comme de l'énergie verte. Seule la chaîne de montagnes en arrière-plan rappelle une carte postale idyllique passée. Est-ce une plaie pour la nature ou bien un pas nécessaire et bienvenu vers des sources d’énergies propres ? La photo interroge l'humain. Les photographies de Gursky sont monumentales, non pas seulement par leur format, mais également par la profusion de détails qui donne le vertige.
Les Mées, 2006 |
2. L'œuvre au programme :
Andréas Gursky (voir vidéo)
Andreas Gursky "99 cent" 1999 tirage : 5/6 photographie, épreuve couleur sous Diasec, épreuve chromogène 206.5x337x5.8 |
Dans cette œuvre nous pouvons voir une scène banale, celle dans un magasin avec des rayons qui proposent tout à 99 centimes. Tout est aligné, les couleurs sont en contraste et bien réparties, équilibrées. Au bout d'un certain temps on peut remarquer la présence de clients. L'objet est roi. Nous sommes face à une représentation de la société de consommation. Les lignes de composition sont principalement horizontales et verticales. L'espace est fragmenté par ces lignes. La perspective est présente mais peu visible. L'espace est saturé. le chiffre 99 cents est connu pour son pouvoir marketing. Il pousse à la consommation l'acheteur.
Il y a dans "99 cent" une vision à la fois macroscopique et microscopique. On est dans un all over. L'œil ne peut se reposer et ne peut tout voir. Il faut un certain temps pour observer l'image. L'image est presque abstraite. Le spectateur, face à cette dimension de 3,37 mètres de large est happé par ce déferlement de produits à vendre.
La prise de vue a eu lieu à Los Angeles dans un magasin. L'ensemble, avec ses couleurs saturées et ses répétitions de produits, semble artificiel. L'idée lui vient en conduisant à Los Angeles et passant devant une vitrine d'un magasin similaire.
L'œil est guidé par la présence de poteaux vers les affiches qui indiquent le prix. L'image semble encore plus réelle. En réalité il n'existe pas d'espace aussi grand, aussi saturé. Le travail de Gursky amplifie cette réalité. La présence discrète de l'humain donne une idée de l'échelle. Et l'ensemble semble pratiquement déshumanisé. C'est une métaphore de notre société de consommation. Celle qui écrase l'humain, envahit les espaces, totalement artificielle, sous une lumière électrique. La répétition du motif fait mal aux yeux. Le regard se perd vers l'arrière qui nous le renvoie au premier plan. Le plafond reflète la partie basse et renvoie l'image inversée, écrasant l'espace.
La vue panoramique, qui d'ordinaire est un cadrage réservé au paysage, est celle d'un supermarché. La nature n'est plus présente. Les produits sont par milliers. La vue est en plongée. L'infiniment grand se combine avec l'infiniment petit. Une forme de symétrie est présente.
La photographie chez Gursky n'est plus vouée à représenter un objet mais plutôt à être un espace de création. Cela peut expliquer pourquoi cette photo a été la deuxième photographie la plus chère du monde, vendue à 3.5 millions de dollars, juste après une autre photo du même artiste. Tirée à peu d'exemplaires (6) l'image est sacralisée. Ce qui est assez ironique par rapport à ce quelle représente : des produits bas de gamme à profusion.
Gursky fera en 2001 une seconde version : "diptyque 99 cent II"
Andreas Gursky "diptyque 99 cent II" 207x337 |
Markus Brunetti, Reims, Cathédrale Notre-Dame, 2013-2014. |
►Gregory Crewdson "est un photographe autant qu’un metteur en scène, il n’y a rien de réel dans ses images, il ne construit que des réalités fictives, et pour cela il n’hésite aucunement à s’entourer d’une équipe digne d’une production cinématographique, allant des décorateurs, aux costumières en passant par les techniciens lumière, les maquilleurs, les accessoiristes etc. La plupart des scènes d’intérieur de son œuvre sont des décors entièrement construits d’après ses story-boards. Pour les extérieurs, il parcourt des régions entières des États-Unis, parfois avec ses équipes de repérage, pour trouver le lieu idéal, celui qui sera au plus proche de ce qu’il a préalablement conçut dans son esprit. Enfin que ce soit en intérieur comme en extérieur, il n’y a pas de lumière naturelle dans ses photographies. Il ré-éclaire chaque scène et chaque détail selon sa vision. C’est un travail d’une précision absolue où le hasard n’a pas lieu d’être. C’est que Gregory Crewdson sait exactement ce qu’il veut raconter et comment". Valérie Servant
Gregory Crewdson - Untitled, Summer (Summer Rain) from the series « Beneath the Roses », 2004 |
II. NATURE A L'OEUVRE
Rosa Bonheur est née le 16 mars 1822 à Bordeaux et morte le 25 mai 1899 à Thomery, c’est une peintre et sculptrice animalière. Son père Saint-simonien rentre au monastère laissant à sa femme la charge de l’entretien domestique et l’éducation des 4 enfants. Cette dernière tombe alors dans une grande pauvreté et meurt d’ épuisement.
Rosa Bonheur devient alors orpheline de mère à 11 ans, son père lui donne une éducation émancipatrice qui l’ouvre aux arts et lui donne le goût des conquêtes et de ne rien s’interdire malgré son statut de femme. Son père croit en l’égalité des sexes « mon père m’a bien des fois répété que la mission de la femme était de relever le genre humain ». Son père est artiste paysagiste et professeur de dessin. Ses trois sœurs et frères deviennent tous artistes.
Marquée par cette expérience, elle décide de garder son indépendance et de ne pas dépendre d’un homme par le mariage. Rosa Bonheur a une personnalité très forte, elle ira jusqu’à porter des vêtements masculins pour modeler son identité. Le port du pantalon est interdit pour les femmes dans la sphère publique (loi existante bien que caduque jusqu’en janvier 2013). Rosa Bonheur sera obligée de demander une autorisation à la préfecture (permis de travestissement) qui devra être renouvelée régulièrement.
Elle aura comme compagne Nathalie Micas rencontrée durant l’enfance et présentée comme une amie dévouée et fidèle pendant 52 ans. Les photographies du couple reprennent les codes convenables de l’imagerie maritale et légitime. Nathalie Micas est également artiste et tient un registre de ventes pour Rosa Bonheur.
En 1860 ses revenus lui permettent d’acheter le château de By avec 4 hectares où elle se fait construire un très grand atelier et où elle va aménager des espaces pour ses animaux. Lion, lionne, cerf, mouton, gazelle, chevaux, sanglier, chat, chien, perroquet, singe, etc… se côtoient. Elle s’y installe avec Nathalie Micas et sa mère. Elle instaure un matrimoine.
Anna Klumpke, artiste américaine, sera sa deuxième compagne, elle restera au château de By jusqu’à la mort de Rosa Bonheur.
Sa carrière artistique :
En 1841 à 19 ans, son père décide qu’elle peut présenter au salon deux de ses œuvres « deux lapins »
Elle expose au Salon de 1845, 1848, 1849... Elle y est à chaque fois remarquée et médaillée. Elle reçoit sa première commande de l'état : "le labourage nivernais" (1848)
Elle atteint une vraie notoriété avec son tableau "marché aux chevaux" (1853), exposé au Metropolitan Museum of art de New York. Sa reconnaissance internationale lui vaut alors de faire des tournées en Belgique, en Angleterre, aux Etats-Unis...
"marché aux chevaux" 852-1855 huile sur toile 244.5x506.7 cm
En 1894 elle est la première femme à être promue chevalier dans l’ordre de la légion d’honneur, décorée par l’impératrice Eugénie.
Elle admire les peintres animaliers du siècle d’or flamand et hollandais. (voir ci-dessous).
Entrée des animaux dans l'arche de Noé - Jan Bruegel l'Ancien 1613 peinture sur bois 54.6x83.8
« une chose que j’observais avec un intérêt spécial, c’était l’expression de leur regard… l’œil n’est-il pas le miroir de l’âme pour toutes les créatures vivantes ? »
Rosa bonheur montre un plus grand intérêt pour les animaux que pour les hommes. Elle s’inscrit dans les pas des peintres d’anatomie, elle fréquente les abattoirs pour assister à des dissections, son œuvre « aigle blessé’ est issu de son étude de l’œuvre de Rubens « l’enlèvement de Ganymède », elle garde en mémoire des sujets qu’elle observe pour les utiliser plus tard.
Pierre Paul RUBENS - L'Enlèvement de Ganymède, Vers 1611-1616, huile sur toile, hauteur 204 cm, largeur 206 cm.
Rosa Bonheur L’Aigle blessé vers 1870 147.6x 114.6
Elle tisse des liens avec Napoléon III, l’impératrice Eugénie, le prince impérial, l’empereur du Brésil, la reine Isabelle II d’Espagne, la famille royale de Grande Bretagne, sa notoriété est importante à l’étranger et notamment aux USA.
Elle a un engagement écologique avant l’heure, un esprit insatiable de liberté, pionnière du féminisme en marge des modes artistiques de son temps, elle a une passion pour la nature et le monde animal, c’est une artiste hors norme et inclassable, ni complètement réaliste, ni vraiment romantique, ni anecdotique, ni lyrique. Elle est aujourd’hui l’icône du féminisme et du mouvement LGBTQI+
Elle est une virtuose du dessin, star de son temps elle tombera ensuite dans l’oubli. Si son nom est encore d’actualité c’est la femme qu’elle incarnait, sa vie exceptionnelle qui a sauvé l’artiste. Elle a été effacée de l’histoire de l’art à cause du mépris du genre animalier.
Elle était pourtant au château de By le pendant de Claude Monet à Giverny :
- Ménagerie/Nymphéas,
- Faune/flore,
- Nature/culture.
Monet et Bonheur repensent les rapports entre nature et culture au XIXe siècle.
Moquée pour ses vaches, elle est taxée de ringarde. Son regard sur les animaux, mêlé à son éthique et son respect pour le vivant parlent aux générations actuelles. Pionnière en matière de protection animale, elle adhère à la SPA (société protectrice des animaux) à sa création en 1845, elle illustre un ouvrage qui dénonce la maltraitance animale, elle écrit sa pitié pour les animaux qui vont à l’abattoir et montre la révolte des chevaux malmenés dans « le marché aux chevaux » , elle fait partie des défenseurs de la forêt . Elle vit au cœur de la forêt de Fontainebleau, elle crée un espace de cohabitation femmes et animaux, certains animaux sont considérés comme de passage, modèles au service de son art, sa vie et son œuvre sont indissociables. Elle connait les végétaux, elle est en lien avec Millet, Courbet, Géricault, les préraphaélites, elle est influencée par l’art des USA.
Rosa Bonheur, Toutou le bien-aimé, huile sur toile, 1885
Le Roi de la forêt Rosa Bonheur 1878
► L’œuvre au programme :
Rosa Bonheur (1822-1899), Labourage nivernais, dit aussi Le Sombrage, 1849, huile sur toile H. 133,0 ; L. 260,0 cm.
La carrière de ROSA BONHEUR prend un nouvel élan lors de proclamation de la IIe république au salon de 1848 où elle expose 6 tableaux et deux sculptures car elle reçoit une médaille d’or . Elle reçoit alors une commande du ministère de l’intérieur d’un tableau d’animaux dans un pâturage pour une somme de 3000 francs ; Pour cela elle séjourne chez des amis de son père, propriétaires terriens dans la Nièvre pour y réaliser des études d’animaux et de paysages afin de préparer le tableau « labourage nivernais » qu’elle veut présenter au salon de 1849. Son père mourra quelques semaines avant l’ouverture du salon et ne verra pas le triomphe de son tableau le plus célèbre ; Les critiques du salon sont unanimes pour dire que la majorité de ce qui est exposé durant ce salon est médiocre à l’exception de « labourage nivernais » qui recueille les louanges des visiteurs. Le succès du tableau repose également sur une nouvelle sensibilité républicaine où les scènes représentées sont celles du peuple, ordinaires. Les héros sont des bœufs ou des moutons.
Rosa Bonheur a choisi un format particulier, très grand, deux fois plus large que haut, permettant une vue panoramique et accentuant les sillons dans la terre. Les bœufs sont rendus avec beaucoup de précision, on ressent la lourdeur de leur attitude, la force de la traction, la lenteur du mouvement. Chaque modèle est individualisé, ce sont de véritables portraits d’animaux très fidèles, leurs regards sont dirigés vers le spectateur. La mise en scène produit une dynamique avec le raccourci des corps, les différents plans. L’homme est renvoyé à l’arrière-plan, au premier plan les sillons fraichement labourés sont d’une précision incroyable. C’est la terre nourricière, sous un grand ciel bleu qui occupe la moitié de l’espace. Rosa Bonheur montre une vue du monde rural idéalisée, un amour de la nature.
Le thème du labourage a été exploitée auparavant comme on peut le voir dans l’œuvre de François-André Vincent « la leçon de labourage » 1798, il n’est pas impossible d’ailleurs que Rosa Bonheur ait pu le voir à Bordeaux au musée des Beaux Arts. Les deux artistes exaltent une terre fertile. La peinture de Rosa Bonheur avec son format gigantesque est comme une allégorie évoquant quelque chose de primitif, d’antique, presque religieux. Un moment paisible du travail agricole, rassurant. L’homme est peu mis en avant, d’ailleurs la condition sociale des paysans semble passer sous silence dans sa peinture. Jean François Millet artiste du mouvement réaliste, bénéficie comme Rosa Bonheur d’une reconnaissance publique avec l’avènement de la IIe république. Avec « le Semeur » présenté au salon de 1850, il donne une stature inquiétante au paysan, le visage est dans l’ombre, les semailles sont comme le labourage, elles s’ancrent dans un geste ancestral et universel, mais contrairement à Rosa Bonheur qui veut donner une certaine idée de la quiétude, Millet lui est plus pessimiste, plus dénonciateur des conditions difficiles des paysans. On retrouve la dynamique donnée par la diagonale, mais on ressent la sensibilité socialiste de l’artiste.
« Le labourage à Hivernais » de Rosa Bonheur aura un rayonnement important auprès de ses confrères, tels que Constant Troyon avec « Bœufs allant au labour, effet de matin » de 1855, ou Gustave Courbet avec « La sieste, pendant la saison des foins, montagnes du Doubs » 1869
François-André Vincent (Paris, 1746 – Paris, 1816), L’Agriculture, 1798, huile sur toile, Bordeaux, musée des Beaux-Arts. hauteur : 213 cm ; largeur : 313 cm
Jean François Millet « le semeur » 1850 huile sur toile, 101.6 x 82.6 cm
GUSTAVE COURBET
« la sieste, pendant la saison des foins, montagnes du Doubs » 1869 huile sur toile 212x273
Constant Troyon
Bœufs allant au labour, effet de matin
En 1855
Huile sur toile
H. 262,0 ; L. 391,0 cm.
« Labourage nivernais » appelé sombrage, est effectué au début de l’automne, où l’on ouvre la terre pour l’aérer avant l’hiver. On est face à un paysage avec une plaine vallonnée et fermée par un coteau boisé, il y a deux attelages de bœufs. Les bœufs du Charolais-Nivernais ont une robe claire, rousse et blanche, ils sont mis en valeur par la lumière froide et claire. La scène animalière laisse peu de place à l’homme représenté petit et dont le visage n’est pas bien précis. C’est un hymne au travail des champs opposé à la ville, à la province, et plus particulièrement au Nivernais, à ses traditions agricoles. Le tableau fut conservé à Paris au musée du Luxembourg, puis au Louvre à la mort de l’artiste avant de rejoindre le musée d’Orsay. La composition est divisée en deux parties, il y a un côté terrien et un autre côté aérien, très dégagé ; le bœuf au centre au pelage très clair a la tête tournée vers le spectateur, son œil brille et est très expressif. De l’écume sort de sa gueule, donnant une forme de mouvement, comme si l’image était prise sur le vif. On pourrait presque entendre sa respiration, le son de ses sabots. Son regard inclut le spectateur dans la scène.