lundi 26 août 2024

Programme limitatif 2024-2025 Terminale spé

Les œuvres du programme limitatif de l'année 2024-2025 sont : 

I. Documenter ou augmenter le réel


  • Joseph Vernet , (1714-1789), "la ville et la rade de Toulon, deuxième vue, le port de Toulon, vue du mont Faron", 1756, huile sur toile, H : 165 cm, L : 263cm, Paris, musée du Louvre
  • Andréas Gursky  (1955-) "99 Cent, 1999, tirage : 5/6, photographie, épreuve couleur sous Diasec, épreuve chromogène, 206.5x337x5.8 cm (197x327 cm hors marge), Paris, Musée national d'art moderne (MNAM)

II. Nature à l'œuvre


  • Rosa Bonheur (1822-1899), Labourage nivernais, 1849, huile sur toile, H : 133 cm, L : 260 cm, achat après commande de l'État en 1849. Musée d'Orsay, Paris ;

I. Documenter ou augmenter le réel


  • Joseph Vernet , (1714-1789), "la ville et la rade de Toulon, deuxième vue, le port de Toulon, vue du mont Faron", 1756, huile sur toile, H : 165 cm, L : 263cm, Paris, musée du Louvre



1. Qui est Joseph Vernet  ? Peintre, dessinateur et graveur français, né à Avignon en 1714 et mort à paris en 1789, Joseph Vernet s'est spécialisé dans les marines, genre de peinture inspirée de la mer, très en vogue entre le 17e et 19e siècle. On y trouve des scènes de navigation, des ports, des plages. La peinture de Marine est importante pour mettre en valeur le commerce par la mer, la puissance navale.

Portrait de Joseph Vernet par Elisabeth Vigée Le Brun huile sur toile 92x72 musée du Louvre Paris.


Joseph Vernet se fait très tôt remarquer dans la région avignonnaise pour ses capacités prometteuses. Son père est décorateur de portes d'appartements, carrosses et chaises à porteur. Il sera formé d'abord par un peintre décorateur aixois, René Vialy, puis il travaillera pour l'aristocratie et sera pris sous l'aile du marquis de Caumont qui va l'envoyer se former à Rome afin d' y étudier les grands maîtres de la Renaissance et l'art antique. Vernet va, par la même occasion, découvrir le travail des artistes tels que le Lorrain (Claude Gellée) (1600-1682), ou Nicolas Poussin (1594-1665) deux des plus grands maîtres du paysage classique. Son travail va fortement être influencé particulièrement par Le Lorrain.  



CLAUDE LORRAIN (né Claude Gellée) (Champagne, 1600 - Rome, 1682) : Vue fantastique d’un port au coucher du soleil, 1639, huile sur toile, 103 x 137 cm


Nicolas Poussin – Paysage avec Orphée et Eurydice (1650-1653)



Ce voyage à Rome va permettre à Vernet de se constituer un solide réseau qui va déboucher sur des commandes, et lui permettre de lancer la mode des marines en Europe . Il va ainsi avoir de nombreuses commandes en France, mais aussi en Italie, en Suède, en Hollande et même en Angleterre. 

Après 19 ans passés à Rome, Joseph Vernet revient en France en 1753 et après avoir séjourné à Marseille il se rend à Paris où il devient membre de l'académie royale de peinture et de sculpture. Il obtient alors une commande importante de Louis XV en 1753 de 27 tableaux de ports de France, il n'en exécutera que 15, ce qui reste une grande performance. 
Vernet  devient alors itinérant et se lance ainsi dans une série de tableaux entre 1754 et 1765 pour faire la promotion de la marine française au travers de panoramas de 10 ports les 15 tableaux sont payés chacun 6000 livres. 
Le cahier des charges est précis : on lui demande de représenter au premier plan les activités de chaque région. Il va ainsi peindre les ports de Marseille, Bandol, Toulon, Antibes, Sète, Bordeaux, Bayonne, La Rochelle, Rochefort et Dieppe. 
Les tableaux réalisés sont exposés au Salon de peinture et de sculpture, et leur impact sur le public va être amplifié par une série d'estampes gravées par Charles-Nicolas Cochin et Jacques-Philippe Le Bas qui va permettre à l'artiste une reconnaissance encore plus importante grâce à cette diffusion sur papier. Le succès est assuré et Vernet devient un peintre important. 

Les 15 tableaux ci-dessous, représentant les ports de France ont tous la même dimension : 165x263 cm. Tous sont documentés par un texte explicatif de Vernet. 

Joseph Vernet - L'entrée du port de Marseille (1754)
 « Cette vue est prise à mi-côte de la montagne appelée Tête de More. On y voit le fort S. Jean et la Citadelle saint Nicolas qui défendent cette entrée. Ce tableau offre les divers amusements des habitants de cette ville. Sur le devant l’auteur a peint le portrait d’un homme qui a présentement cent-dix-sept ans, et qui jouit d’une bonne santé. » (Livret du Salon de 1755)

Intérieur du port de Marseille, vu du pavillon de l'Horloge du Parc1754

« Comme c’est dans ce port que se fait le plus grand commerce du Levant et de l’Italie, l’auteur a enrichi ce tableau de figures de différentes nations des Echelles du Levant, de Barbarie, d’Afrique et autres. Il y a réuni ce qui peut caractériser un port marchand, et qui a un commerce très étendu. » (Livret du Salon de 1755)

 

Vue du golfe de Bandol : la Madrague ou la pêche au thon 1754

 Vue du port de Toulon, le Port-Neuf pris a l'angle du Parc d'artillerie 1755

La ville et la rade de Toulon, deuxième vue, le port de Toulon vue du Mont Faron 1756
« Cette vue est prise d’une maison de campagne à mi-côte de la montagne qui est derrière la ville. On y a représenté les amusements des habitants et les voitures dont ils se servent pour aller aux maisons de campagne qu’on nomme bastides. L’heure du jour est le matin ». (Livret du Salon de 1757)
Troisième vue de Toulon : la vieille darse, prise du côté des magasins aux vivres 1756

Le Port d'Antibes en Provence, vu du côté de la terre 1756
« Comme ce port est une place frontière de la France du côté de l’Italie, le devant du tableau présente des troupes qui y vont en garnison. La campagne est enrichie d’orangers et de palmiers, qui sont assez communs dans cette province. Les fleurs et les fruits qui se trouvent en même temps sur les orangers, caractérisent la saison, qui est la fin du printemps. On y voit les Alpes encore couvertes de neige. La vue des montagnes du fond est depuis Nice et Villefranche jusqu’à San Remo. L’heure du jour est au coucher du soleil. » (Livret du Salon de 1757)
Vue du port de Sète 1756 

 Vue d'une partie de port et de la ville de Bordeaux, prise du côté des Salinières 1756

1ere vue de Bayonne, prise à mi-côte sur le Glacis de la Citadelle 1759

Deuxième vue de Bayonne, prise de l'allée des Boufflers, près de la porte de Mousserole1755

Vue du port de La Rochelle, prise de la petite Rive1762

Joseph Vernet, Vue du port de Rochefort, prise du magasin des Colonies.1750
« Le bâtiment à droite, sur le devant du tableau est la corderie ; ceux du fond à l’autre extrémité du port sont les magasins. On y voit un vaisseau qu’on chauffe pour le caréner, un vaisseau sur le chantier, et un autre dans le bassin pour y être radoubé. Le premier plan du tableau étant près du magasin des colonies, on y a peint des approvisionnements destinés pour ces colonies. On débarque et l’on transporte du chanvre pour la corderie, d’où sortent des cordages pour être embarqués. C’est le moment du départ d’une escadre. La marée est haute, et l’heure est le matin. » (Livret du Salon de 1763)
Vue du port de Dieppe (1765)

« L’auteur a regardé la pêche comme le caractère distinctif de ce port, et a orné le devant de ce tableau des divers poissons que l’on pêche dans ces parages, et des différents habillements des habitants. L’heure du jour est le matin. » (Livret du Salon de 1767)


 
Deuxieme vue du port de Bordeaux prise du château Trompette 1759



Vernet, admirateur de Poussin et Le Lorrain, représentants du classicisme français, va trouver son propre style en donnant une importance particulière au ciel  et aux scènes de la vie quotidienne au premier plan; Il va emprunter à Le Lorrain ses effets de lumières et la composition à Nicolas Poussin. 
Il se rend dans chaque port, fait des croquis, note les couleurs puis exécute son tableau en atelier. Il y a donc une part d'imagination importante. Les oeuvres sont un mélange de représentation fidèle et imaginée. 
Après sa série sur les ports, Vernet se lasse de ce sujet, il retourne à Paris et est logé au Louvre, la cour ayant déménagé à Versailles. D'autres artistes tels que Chardin ou Greuze y séjournent également. 
Après 1765, Vernet se consacre aux marines imaginaires et retrouve une certaine liberté dans sa créativité comme ci-dessous.


Joseph Vernet "la nuit, un port de mer au clair de lune" 1771 huile sur toile 98x164



Les paysages de Vernet sont des paysages idéalisés et poétisés, côtiers, il s'inspire de la réalité pour la magnifier. il maîtrise parfaitement la dimension spatiale du paysage, c'est  à dire que l'espace est coupé de la sorte :  deux-tiers pour le ciel et un tiers pour la mer et le rivage. L'espace parait infini  par la présence de la ligne d'horizon. La lumière est également très importante. Elle permet de varier les effets météorologiques d'un paysage, ou selon le moment de la journée. Il reprend le contre-jour du Lorrain. Il peint des scènes diurnes et nocturnes dans lesquelles l'espace et la lumière sont les éléments principaux de la composition, comme chez les peintres classiques. Mais ce qui le différencie de ce mouvement, c'est que les figures religieuses ou mythologiques présentes dans le classicisme sont remplacées par des scènes contemporaines de l'artiste telles que des travailleurs ou des personnages s'adonnant aux loisirs. Ainsi Vernet, par sa façon de peindre et par sa place dans la chronologie de l'histoire de l'art,  se situe entre le classicisme et le néoclassicisme. 

2. L'œuvre au programme

"la ville et la rade de Toulon, deuxième vue, le port de Toulon, vue du mont Faron", 1756, huile sur toile, H : 165 cm, L : 263cm, Paris, musée du Louvre



Au travers de l'oeuvre de Joseph Vernet  nous pouvons nous interroger : l'art est-il là pour documenter ou augmenter le réel ? L'artiste est-il là pour enregistrer le réel le plus fidèlement possible ? Est-il au service de l'histoire ? Peut-il prendre des libertés ? Interpréter ? Augmenter le réel en jouant sur la lumière ? En modifiant ce qu'il voit ? Comment doit-il s'y prendre pour faire passer une idée ? Ici, dans sa série sur les ports de France, Vernet doit respecter un cahier des charges bien précis. Cela signifie donc qu'il doit représenter un regard imaginé du commanditaire. Sa composition est donc déjà éloignée de la réalité. 

Le port de Toulon a été représenté trois fois. Trois vues pour montrer la puissance de ce port. (voir-ci dessus). 
Vue du port de Toulon, le Port-Neuf pris a l'angle du Parc d'artillerie 1755
La ville et la rade de Toulon, deuxième vue, le port de Toulon vue du Mont Faron 1756
Troisième vue de Toulon : la vieille darse, prise du côté des magasins aux vivres 1756

C'est la deuxième vue qui nous intéresse. 

Ici nous voyons que le tableau respecte la composition instaurée par Vernet sur toutes ses marines : 2 tiers du tableau sont octroyés au ciel, un tiers à la terre. Le format est horizontal, c'est un format paysage. on y voit une vue sur Toulon et sa rade. Il oppose le plein du sol avec le vide du ciel où le bleu est assez pâle dans un dégradé délicat. Il y a une légère perspective atmosphérique donnée par la couleur et une perspective conique signalée par les éléments architecturaux. Il y a d'ailleurs deux points de fuite, l'un situé au dessus de l'horizon, légèrement décentré (voir ci-dessous) et un autre plus étrange au niveau des cyprès qui donne un effet de profondeur. La vue sur Toulon provient du Mont Faron, on y voit une esplanade avec des éléments architecturaux, le tout est encadré par deux arbres qui dirigent la vue vers le centre. On a un premier plan avec une multitude de détails et de personnages, un second plan avec la campagne toulonnaise et un arrière plan avec le port. Cela est étrange de penser qu'une marine va avoir à l'arrière plan l'élément qui devrait être principal : la mer. 
Le ciel est dégagé, invitant le regard du spectateur à balayer l'espace et à se diriger vers le fond. 
- Le 1er plan comporte un ensemble assez importants de personnages. C'est une exigence de la commande. Montrer les activités et les loisirs de la région. On y voir des bourgeois, des aristocrates à cheval, à gauche une famille accueillant un couple, les personnages sont en mouvement : une jeune femme est en train de descendre de sa monture pendant qu'un homme fouette son âne. Un chien semble aboyer tout en s'agitant, des affaires sont déchargées par les domestiques. une partie de pétanque, caractéristique du sud, se joue à droite, pendant que des serviteurs s'apprêtent à mettre en place un banquet. L'architecture est plutôt classique avec ses corniches, fronton, le bassin comprend une niche en rocaille avec une sculpture d'un dieu marin, peut-être Triton sur un dauphin. Ainsi il semble se dérouler une chronologie de gauche à droite : réception d'invités puis déballage de victuailles, jeux, discussions et déambulation avant que le repas annoncé termine l'histoire. 
Tout nous laisse penser que nous sommes dans une propriété privée, le domaine des propriétaires situés à droite. On distingue vers le centre en bas, un portail en fer forgé avec quelqu'un qui entre et un serviteur qui ouvre le portail. Il s'agit donc d'un jour de fête chez un noble. Des lions sculptés sur chaque côté de l'escalier que l'on devine, accueillent les invités. Les haies dirigent le regard du spectateur vers cette entrée en une forme de symétrie. 
La peinture a une vocation de documenter les ports français. Pourtant on peut aisément observer qu'une partie est fictive au profit de la narration. Ainsi il allie précision topographique et imaginaire doté d'une sensibilité poétique. 

- Le second plan, vaste panorama, ouvre sur une étendue de champs séparés par des plantations d'arbres, de murets, quelques constructions comme des ponts, clochers, mas, campagne de la ville de Toulon qui elle se trouve sur la gauche avec son port identifié par la présence de bateaux aux grands mâts. On y reconnait la presqu'ile de Saint Mandrier, la rade et l'arsenal. Cette vue topographique a certainement été représentée grâce à l'aide d'une caméra obscura. Cela permet un relevé précis et fidèle. 

La composition est encadrée par des architectures et arbres, comme chez le Lorrain. La composition oppose donc les lignes horizontales aux lignes verticales. Les couleurs s'accordent entre des ocres chauds et des gris verts. La lumière est celle du matin. La facture est neutre. le focus sur les personnages nombreux permet à l'artiste d'augmenter la réalité observée et de dépasser l'objectif documentaire. On y retrouve des éléments parlant du sud de la France ; pergola, terrasses, pétanque, lumière, végétation, relief typique de la Méditerranée. Cependant, en comparant la topographie de la photo contemporaine prise du Mont Faron, on peut se demander si l'artiste n'aurait pas fait une juxtaposition de deux paysages : la vue lointaine assez réaliste et celle de la terrasse-belvédère. Le Lorrain avait déjà procédé à cette technique en reconstruisant un paysage à partir de fragments observés. 

Le 18e siècle est composé de plusieurs mouvements artistiques : le rococo, le néo-classicisme et le romantisme. C'est la poussée des libertés prônées par les philosophes du XVIIIe siècle, tels que Rousseau, Diderot, Voltaire, le classicisme perd un peu de son influence et l'artiste exprime plus facilement sa sensibilité et prend des libertés face à la représentation. Mais le poids de l'académisme est encore présent. Ainsi on retrouve chez Vernet le respect des règles académiques dans la représentation, les couleurs, la perspective, mais également un détachement de ces règles par l'utilisation d'un autre point de fuite dans les haies et dans la représentation d'une certaine familiarité entre certains personnages (ex : deux personnages s'embrassent) et l'utilisation du mouvement, ce moment où chaque personnage est en train de faire quelque chose : courir, descendre d'un cheval, marcher, jouer...). Nous ne sommes plus dans la pose statique du classicisme faisant référence aux sculptures antiques. 










perspective avec deux points de fuite



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3. L'art du paysage au 18e siècle :

Au 18e siècle une partie des artistes paysagistes s'inspire de la peinture hollandaise ou flamande assez réaliste comme ci-dessous Antoine Watteau, alors qu'une autre partie se situe dans le prolongement du classicisme et de la représentation du paysage arcadien ( qui fait référence à l'antiquité grecque avec des paysages évoquant les ruines d'Arcadie, région grecque) comme le néo-classique Pierre-Henri de Valenciennes (voir ci-dessous). 

                                      Exemple de paysage réaliste : Antoine Watteau "paysage fluvial" 1716




Exemple de paysage arcadien : Pierre-Henri de Valenciennes, L'Ancienne ville d'Agrigente (The Ancient Town of Agrigentum), 1787


Les italiens, quant à eux, développent une peinture de paysage urbain (les vedute) tels que Canaletto ci-dessous avec sa vue de Venise et sa composition structurée qui montre une grande maîtrise de la perspective. 
Exemple de veduta : Le Grand Canal du palais Balbi au Rialto (vers 1723) Canaletto

Les peintres français se libèrent des contraintes académiques, ils ne cherchent plus une représentation parfaite de la beauté mais une manière d'exprimer des sentiments, une forme de sensualité. Nous sommes en plein Rococo. Ainsi les scènes galantes voient le jour, elles représentent des rencontres entre personnages appartenant à l'élite de la société et évoluant dans des parcs, jardins, îles... Antoine Watteau en fut l'initiateur. Avec sa peinture il se détache de la présence de scènes mythologiques ou religieuses, il ne représente pas, comme Nicolas Poussin l'a fait, des personnages habillés à l'antique. Il représente des personnages de l'aristocratie française, richement vêtus et oisifs, représentant une certaine légèreté française. 

Pourtant, au milieu du 18e siècle apparait un regain d'intérêt pour l'Antiquité grâce aux découvertes archéologiques à Pompéi, Herculanum et Paestum. La France qui avait choisi le rococo voit le néoclassicisme revenir en force. Le goût des ruines revient, et Joseph Vernet s'y atèle. Mais, bien qu'admirateur de Poussin, il va réussir à créer une peinture personnelle dans laquelle il va représenter des petits personnages animant le lieu. 

Le 18e siècle est également caractérisé par l'émergence du "Grand tour", sorte d'Erasmus des classes aisées. Le voyage devient un art de vivre, une manière d'éduquer les jeunes aristocrates après leurs études. Ils pouvaient ainsi découvrir de nouvelles architectures, peintures, artistes, et pouvaient nouer contact avec d'autres aristocrates à des fins de hautes fonctions politiques, militaires ou diplomatiques. Ces voyageurs fortunés ramenaient de leurs voyages des peintures de paysages telles que des Vedute, des paysages arcadiens ou des capricci. Ainsi ces trois types de peinture se sont développées rapidement. 

Pour rappel :
 
La veduta : représentation réaliste d'un paysage urbain. Méthode de travail à l'extérieur reposant  sur l'observation et la prise de multiples croquis préparatoires (il ne faut pas oublier que le tube de peinture n'a pas encore été inventé (1841) et que les artistes travaillent encore en atelier). L'artiste ne représente pas parfaitement la topographie, il garde une certaine liberté pour magnifier le paysage urbain. Souvent faite à l'aide d'une caméra obscura.

Le paysage arcadien : paysage idyllique faisant référence à la Grèce antique, et à la mythologie.

Le capriccio : composition mettant en scène des personnages sur fond de ruines antiques dans un paysage imaginaire assemblant des éléments plus ou moins inspirés du réel. 

 
Exemple de Capriccio : Paolo Panini "Diogène jetant sa coupe" 1730




  • Andréas Gursky  (1955-) "99 Cent", 1999, tirage : 5/6, photographie, épreuve couleur sous Diasec, épreuve chromogène, 206.5x337x5.8 cm (197x327 cm hors marge), Paris, Musée national d'art moderne (MNAM)

  • 1. Qui est Andréas Gursky  ?




Photographe allemand né en 1955, Andréas Gursky fait de très grands formats avec une définition et une précision extrêmes. Il fait partie du réalisme photographique, par ses choix de thèmes et de travail en série, il se rapproche (sans en faire partie) du pop art. Ses photographies contiennent une foule de détails qui saturent l'espace. Il y a l'idée de répétition, et ses photographies représentent le monde actuel. Ses photographies ne privilégient ni le premier plan, ni l'arrière plan. Il photographie la nature, les villes, des centres commerciaux, des foules. Il invente à travers ses photos un nouveau monde à partir d'éléments existants.

Etudiant il est l'élève de Bernd et Hilla Becher, couple de photographes qui se sont intéressés au motif sériel à travers des architectures industrielles. En effet ils utilisent un style documentaire standardisé pour mettre en lumière une forme de ressemblance entre chaque structure. Pour cela ils vont utiliser l'image en noir et blanc, le même cadrage, un point de vue assez élevé et une lumière similaire.
Bernd And Hilla Becher - Water Towers, 1967-83.

Andréas Gursky, quant à lui, est aussi dans l'idée du document photographique, mais il va utiliser la manipulation numérique, le montage photographique  pour créer une nouvelle image à partir du réel. 

"A la captation de l'instant, Andreas Gursky oppose la construction des images. Une construction très élaborée, d'une extrême précision, et où interviennent les techniques les plus sophistiquées de manipulation informatique. Le réalisme de ces photographies est donc la résultante d'un travail très méthodique de réassemblage, souvent en plusieurs prises de vue, d'une architecture ou d'un paysage... Chacune des photographies de Gursky a ainsi une autonomie iconique pour s'être débarrassée de tous les éléments anecdotiques qui pourraient l'encombrer" Alfred Pacquement

Dans les années 1990, il photographie ainsi des usines, des aéroports, des autoroutes ou bâtiments.  Il ôte des parties ou en rajoute, il modifie l'image pour qu'elle ne soit plus l'image des éléments photographiés tels quels, il découpe, prélève, agence des fragments pour arriver à une image construite où toutes ces étapes de constructions sont invisibles. Nous avons le sentiment qu'il n'y a qu'une prise de vue alors qu'il en aura fallu plusieurs avec des points de vue, angles, cadrages différents. Ce qui pourrait ressembler à une prise de vue panoramique n'est en fait qu'une série de prises de vues frontales, qui sont elles même des espace-temps différents assemblés pour ne faire plus qu'un ensemble cohérent. Le réel est ainsi réinterprété et non livré tel quel dans sa représentation. Les photographies de Gursky intègrent à la fois la question du proche et du lointain. On peut noter également qu'il n'y a que très peu de portraits dans la pratique d'Andréas Gursky alors que l'humain est omniprésent dans ses photographies.  
Andreas Gursky "1955 république démocratique allemande Mercedes? Rastatt 1993

A partir de 1996 il prend des vues frontales comme ci-dessous "Prada" dont l'image représente un autel minimaliste de la société de consommation de luxe



Prada I 1996 Andréas Gursky

Au début des années 2000, Gursky agence ses montages photographiques  tels que des kaléidoscopes avec des motifs répétés donnant un aspect vertigineux.
Andreas Gursky  "Pyongyang IV" 2007


Shanghai 2002


A partir de 2010 il s'intéresse à la photographie satellite pour générer ses propres interprétations de la mer et de la terre construisant sa propre image. Il transforme le réel pour créer sa propre interprétation. Il minimise la profondeur pour valoriser la planéité de l'image. Le point de vue frontal; un cadrage serré, la répétition du motif font que la perspective est pratiquement annulée. Il utilise le collage numérique, il ajuste les couleurs, les contrastes, les proportions pour créer une image complexe. Il combine plusieurs images ou éléments visuels pour les fusionner en un ensemble harmonieux. Il explore ainsi la relation entre l'homme et son environnement. "III, 2015

Andreas Gursky " Ocean II" 2010





On y trouve d'ailleurs toujours une trace de l'homme, il est présent de manière subtile, perdu dans l'espace artificiel créé. Les formats sont tellement grands qu'ils font apparaitre l'humain comme minuscule. Mais plus que de montrer l'insignifiance de l'homme face à la nature, c'est plutôt de montrer la conquête de l'espace naturel par l'homme. Parfois le traitement de l'image la rend presque abstraite, comme ci-dessous le champ de tulipes  "Ohne Titel X" qui fait peut se rapprocher de la peinture, on peut penser à Mark Rothko . Ces paysages n'ont plus rien de naturel, et n'ont plus rien en commun avec l'idée qu'on peut se faire de la beauté de la nature. Ils sont cependant très esthétiques, domestiqués. Il joue avec les couleurs, les lignes et les textures. V


Andreas Gursky "Ohne Titel XVIII" 2015

Mark Rothko "n°6 violet, vert, rouge"  1951 huile sur toile 238.8x145.1 expressionnisme abstrait 

L’espace naturel est instrumentalisé par l'homme, qui se l'approprie, le modifie comme on peut le voir dans l’œuvre Les Mées de 2016, on y voit un paysage composé de collines douces dans le sud de la France, pratiquement recouvert entièrement de panneaux photovoltaïques qui font comme une seconde peau, un peu ironique. Le vert de la verdure est remplacé par le noir des panneaux solaires qui sont pourtant considérés comme de l'énergie verte. Seule la chaîne de montagnes en arrière-plan rappelle une carte postale idyllique passée. Est-ce une plaie pour la nature ou bien un pas nécessaire et bienvenu vers des sources d’énergies propres ? La photo interroge l'humain.  Les photographies de Gursky sont monumentales, non pas seulement par leur format, mais également par la profusion de détails qui donne le vertige. 
Les Mées, 2006






2. L'œuvre au programme 



Andréas Gursky (voir vidéo)

Andreas Gursky "99 cent" 1999 tirage : 5/6 photographie, épreuve couleur sous Diasec, épreuve chromogène 206.5x337x5.8



Dans cette œuvre nous pouvons voir une scène banale, celle dans un magasin avec des rayons qui proposent tout à 99 centimes. Tout est aligné, les couleurs sont en contraste et bien réparties, équilibrées. Au bout d'un certain temps on peut remarquer la présence de clients. L'objet est roi. Nous sommes face à une représentation de la société de consommation. Les lignes de composition sont principalement horizontales et verticales. L'espace est fragmenté par ces lignes. La perspective est présente mais peu visible. L'espace est saturé. le chiffre 99 cents est connu pour son pouvoir marketing. Il pousse à la consommation l'acheteur. 

Il y a dans "99 cent" une vision à la fois macroscopique et microscopique. On est dans un all over. L'œil ne peut se reposer et ne peut tout voir. Il faut un certain temps pour observer l'image. L'image est presque abstraite.  Le spectateur, face à cette dimension de 3,37 mètres de large est happé par ce déferlement de produits à vendre. 

La prise de vue a eu lieu à Los Angeles dans un magasin. L'ensemble, avec ses couleurs saturées et ses répétitions de produits, semble artificiel. L'idée lui vient en conduisant à Los Angeles et passant devant une vitrine d'un magasin similaire. 

L'œil est guidé par la présence de poteaux vers les affiches qui indiquent le prix. L'image semble encore plus réelle. En réalité il n'existe pas d'espace aussi grand, aussi saturé. Le travail de Gursky amplifie cette réalité. La présence discrète de l'humain donne une idée de l'échelle. Et l'ensemble semble pratiquement déshumanisé. C'est une métaphore de notre société de consommation. Celle qui écrase l'humain, envahit les espaces, totalement artificielle, sous une lumière électrique. La répétition du motif fait mal aux yeux. Le regard se perd vers l'arrière qui nous le renvoie au premier plan. Le plafond reflète la partie basse et renvoie l'image inversée, écrasant l'espace. 

La vue panoramique, qui d'ordinaire est un cadrage réservé au paysage, est celle d'un supermarché. La nature n'est plus présente. Les produits sont par milliers. La vue est en plongée. L'infiniment grand se combine avec l'infiniment petit. Une forme de symétrie est présente.

La photographie chez Gursky n'est plus vouée à représenter un objet mais plutôt à être un espace de création. Cela peut expliquer pourquoi cette photo a été la deuxième photographie la plus chère du monde, vendue à 3.5 millions de dollars, juste après une autre photo du même artiste.  Tirée à peu d'exemplaires (6) l'image est sacralisée. Ce qui est assez ironique par rapport à ce quelle représente : des produits bas de gamme à profusion. 


Gursky fera en 2001 une seconde version : "diptyque 99 cent II"

Andreas Gursky "diptyque 99 cent II" 207x337

 

D'autres photographes plasticiens
Markus Brunetti
"En 2005, Markus Brunetti entame un long voyage à travers l’Europe qui aura duré dix ans. Son engouement pour les façades d’édifices sacrés n’a cessé de croître tout au long de ce périple. Au cours de son voyage, il développe sa propre méthode de prise de vue et de reproduction d’images, qui dépasse largement l’idée que nous nous faisons de la photographie. À première vue, son travail s’apparente au style documentaire de la nouvelle objectivité. Mais un examen plus attentif révèle qu’il suit une stratégie visuelle complexe basée sur la perspective centrale et initiée par une intense période de recherches autour des édifices et de leurs façades. Les FACADES de Markus Brunetti provoquent l'enthousiasme ou au contraire un sentiment de mise à distance. Les photographies numériques, méticuleusement retravaillées au cours d’un long processus, sont imprimées sur du papier grand format. Elles mettent le spectateur au défi, l’invitant à prendre le temps de les observer attentivement et non à succomber à l’habitude de la consommation rapide." Markus Hartmann
Brunetti photographie morceau par morceau la façade de l'édifice, recréant ensuite une image comme un puzzle où la contre-plongée naturelle est supprimée. Cela permet de révéler chaque détail de la façade souvent inaccessible au spectateur. Sa technique de prise de vue est longue, méticuleuse, fastidieuse. Il lui faut parfois jusqu'à plusieurs mois pour créer son image. 
Markus Brunetti, Reims, Cathédrale Notre-Dame, 2013-2014.

Gregory Crewdson "est un photographe autant qu’un metteur en scène, il n’y a rien de réel dans ses images, il ne construit que des réalités fictives, et pour cela il n’hésite aucunement à s’entourer d’une équipe digne d’une production cinématographique, allant des décorateurs, aux costumières en passant par les techniciens lumière, les maquilleurs, les accessoiristes etc. La plupart des scènes d’intérieur de son œuvre sont des décors entièrement construits d’après ses story-boards. Pour les extérieurs, il parcourt des régions entières des États-Unis, parfois avec ses équipes de repérage, pour trouver le lieu idéal, celui qui sera au plus proche de ce qu’il a préalablement conçut dans son esprit. Enfin que ce soit en intérieur comme en extérieur, il n’y a pas de lumière naturelle dans ses photographies. Il ré-éclaire chaque scène et chaque détail selon sa vision. C’est un travail d’une précision absolue où le hasard n’a pas lieu d’être. C’est que Gregory Crewdson sait exactement ce qu’il veut raconter et comment". Valérie Servant

Gregory Crewdson - Untitled, Summer (Summer Rain) from the series « Beneath the Roses », 2004



II. NATURE A L'OEUVRE


Rosa BONHEUR "Labourage nivernais" 1849 133 x 260 huile sur toile








"Les naturalistes reprennent l’étude de la nature aux sources mêmes, remplaçant l’homme métaphysique par l’homme physiologique, et ne le séparent plus du milieu qui le détermine" Emile Zola  

Rosa Bonheur est née le 16 mars 1822 à Bordeaux et morte le 25 mai 1899 à Thomery, c’est une peintre et sculptrice animalière. Son père Saint-simonien rentre au monastère laissant à sa femme la charge de l’entretien domestique et l’éducation des 4 enfants. Cette dernière tombe alors dans une grande pauvreté et meurt d’ épuisement.

Rosa Bonheur devient alors orpheline de mère à 11 ans, son père lui donne une éducation émancipatrice qui l’ouvre aux arts et lui donne le goût des conquêtes et de ne rien s’interdire malgré son statut de femme. Son père croit en l’égalité des sexes « mon père m’a bien des fois répété que la mission de la femme était de relever le genre humain ». Son père est artiste paysagiste et professeur de dessin. Ses trois sœurs et frères deviennent tous artistes.

Marquée par cette expérience, elle décide de garder son indépendance et de ne pas dépendre d’un homme par le mariage. Rosa Bonheur a une personnalité très forte, elle ira jusqu’à porter des vêtements masculins pour modeler son identité. Le port du pantalon est interdit pour les femmes dans la sphère publique (loi existante bien que caduque jusqu’en janvier 2013). Rosa Bonheur sera obligée de demander une autorisation à la préfecture (permis de travestissement) qui devra être renouvelée régulièrement.

Elle aura comme compagne Nathalie Micas rencontrée durant l’enfance et présentée comme une amie dévouée et fidèle pendant 52 ans. Les photographies du couple reprennent les codes convenables de l’imagerie maritale et légitime. Nathalie Micas est également artiste et tient un registre de ventes pour Rosa Bonheur.


En 1860 ses revenus lui permettent d’acheter le château de By avec 4 hectares où elle se fait construire un très grand atelier et où elle va aménager des espaces pour ses animaux. Lion, lionne, cerf, mouton, gazelle, chevaux, sanglier, chat, chien, perroquet, singe, etc… se côtoient. Elle s’y installe avec Nathalie Micas et sa mère. Elle instaure un matrimoine.

Anna Klumpke, artiste américaine, sera sa deuxième compagne, elle restera au château de By jusqu’à la mort de Rosa Bonheur.

 

Sa carrière artistique :

En 1841 à 19 ans, son père décide qu’elle peut présenter au salon deux de ses œuvres « deux lapins »



Elle expose au Salon de 1845, 1848, 1849... Elle y est à chaque fois remarquée et médaillée. Elle reçoit sa première commande de l'état : "le labourage nivernais" (1848)

Elle atteint une vraie notoriété avec son tableau "marché aux chevaux" (1853), exposé au Metropolitan Museum of art de New York. Sa reconnaissance internationale lui vaut alors de faire des tournées en Belgique, en Angleterre, aux Etats-Unis...



"marché aux chevaux" 852-1855 huile sur toile 244.5x506.7 cm

 

En 1894 elle est la première femme à être promue chevalier dans l’ordre de la légion d’honneur, décorée par l’impératrice Eugénie.

Elle admire les peintres animaliers du siècle d’or flamand et hollandais. (voir ci-dessous).


Entrée des animaux dans l'arche de Noé - Jan Bruegel l'Ancien 1613 peinture sur bois 54.6x83.8

 

«  une chose que j’observais avec un intérêt spécial, c’était l’expression de leur regard… l’œil n’est-il pas le miroir de l’âme pour toutes les créatures vivantes ? »

Rosa bonheur montre un plus grand intérêt pour les animaux que pour les hommes. Elle s’inscrit dans les pas des peintres d’anatomie, elle fréquente les abattoirs pour assister à des dissections, son œuvre « aigle blessé’ est issu de son étude de l’œuvre de Rubens « l’enlèvement de Ganymède », elle garde en mémoire des sujets qu’elle observe pour les utiliser plus tard.



Pierre Paul RUBENS  - L'Enlèvement de Ganymède, Vers 1611-1616, huile sur toile, hauteur 204 cm, largeur 206 cm.



Rosa Bonheur   L’Aigle blessé    vers 1870 147.6x 114.6

 

Elle tisse des liens avec Napoléon III, l’impératrice Eugénie, le prince impérial, l’empereur du Brésil, la reine Isabelle II d’Espagne, la famille royale de Grande Bretagne, sa notoriété est importante à l’étranger et notamment aux USA.

 

Elle a un engagement écologique avant l’heure, un esprit insatiable de liberté, pionnière du féminisme en marge des modes artistiques de son temps, elle a une passion pour la nature et le monde animal, c’est une artiste hors norme et inclassable, ni complètement réaliste, ni vraiment romantique, ni anecdotique, ni lyrique. Elle est aujourd’hui l’icône du féminisme et du mouvement LGBTQI+

 

Elle est une virtuose du dessin, star de son temps elle tombera ensuite dans l’oubli. Si son nom est encore d’actualité c’est la femme qu’elle incarnait, sa vie exceptionnelle qui a sauvé l’artiste. Elle a été effacée de l’histoire de l’art à cause du mépris du genre animalier.

Elle était pourtant au château de By le pendant de Claude Monet à Giverny :

-       Ménagerie/Nymphéas,

-       Faune/flore,

-       Nature/culture.

Monet et Bonheur repensent les rapports entre nature et culture au XIXe siècle.

Moquée pour ses vaches, elle est taxée de ringarde. Son regard sur les animaux, mêlé à son éthique et son respect pour le vivant parlent aux générations actuelles. Pionnière en matière de protection animale, elle adhère à la SPA (société protectrice des animaux) à sa création en 1845, elle illustre un ouvrage qui dénonce la maltraitance animale, elle écrit sa pitié pour les animaux qui vont à l’abattoir et montre la révolte des chevaux malmenés dans « le marché aux chevaux » , elle fait partie des défenseurs de la forêt . Elle vit au cœur de la forêt de Fontainebleau, elle crée un espace de cohabitation femmes et animaux, certains animaux sont considérés comme de passage, modèles au service de son art, sa vie et son œuvre sont indissociables. Elle connait les végétaux, elle est en lien avec Millet, Courbet, Géricault, les préraphaélites, elle est influencée par l’art des USA.

 



Rosa Bonheur, Toutou le bien-aimé, huile sur toile, 1885



Le Roi de la forêt  Rosa Bonheur   1878

 

► L’œuvre au programme :



Rosa Bonheur (1822-1899), Labourage nivernais, dit aussi Le Sombrage, 1849, huile sur toile H. 133,0 ; L. 260,0 cm.

La carrière de ROSA BONHEUR prend un nouvel élan lors de proclamation de la IIe république au salon de 1848 où elle expose 6 tableaux et deux sculptures car elle reçoit une médaille d’or . Elle reçoit alors une commande du ministère de l’intérieur d’un tableau d’animaux dans un pâturage pour une somme de 3000 francs ; Pour cela elle séjourne chez des amis de son père, propriétaires terriens dans la Nièvre pour y réaliser des études d’animaux et de paysages afin de préparer le tableau « labourage nivernais » qu’elle veut présenter au salon de 1849. Son père mourra quelques semaines avant l’ouverture du salon et ne verra pas le triomphe de son tableau le plus célèbre ; Les critiques du salon sont unanimes pour dire que la majorité de ce qui est exposé durant ce salon est médiocre à l’exception de « labourage nivernais » qui recueille les louanges des visiteurs. Le succès du tableau repose également sur une nouvelle sensibilité républicaine où les scènes représentées sont celles du peuple, ordinaires. Les héros sont des bœufs ou des moutons.

Rosa Bonheur a choisi un format particulier, très grand, deux fois plus large que haut, permettant une vue panoramique et accentuant les sillons dans la terre. Les bœufs sont rendus avec beaucoup de précision, on ressent la lourdeur de leur attitude, la force de la traction, la lenteur du mouvement. Chaque modèle est individualisé, ce sont de véritables portraits d’animaux très fidèles, leurs regards sont dirigés vers le spectateur. La mise en scène produit une dynamique avec le raccourci des corps, les différents plans. L’homme est renvoyé à l’arrière-plan, au premier plan les sillons fraichement labourés sont d’une précision incroyable. C’est la terre nourricière, sous un grand ciel bleu qui occupe la moitié de l’espace. Rosa Bonheur montre une vue du monde rural idéalisée, un amour de la nature. 

Le thème du labourage a été exploitée auparavant comme on peut le voir dans l’œuvre de François-André Vincent « la leçon de labourage » 1798, il n’est pas impossible d’ailleurs que Rosa Bonheur ait pu le voir à Bordeaux au musée des Beaux Arts.  Les deux artistes exaltent une terre fertile. La peinture de Rosa  Bonheur avec son format gigantesque est comme une allégorie évoquant quelque chose de primitif, d’antique, presque religieux. Un moment paisible du travail agricole, rassurant. L’homme est peu mis en avant, d’ailleurs la condition sociale des paysans semble passer sous silence dans sa peinture. Jean François Millet artiste du mouvement réaliste, bénéficie comme Rosa Bonheur d’une reconnaissance publique avec l’avènement de la IIe république. Avec «  le Semeur » présenté au salon de 1850, il donne une stature inquiétante  au paysan, le visage est dans l’ombre, les semailles sont comme le labourage, elles s’ancrent dans un geste ancestral et universel, mais contrairement à Rosa Bonheur qui veut donner une certaine idée de la quiétude, Millet lui est plus pessimiste, plus dénonciateur des conditions difficiles des paysans. On retrouve la dynamique donnée par la diagonale, mais on ressent la sensibilité socialiste de l’artiste.

« Le labourage à Hivernais » de Rosa Bonheur aura un rayonnement important auprès de ses confrères, tels que Constant Troyon avec « Bœufs allant au labour, effet de matin » de 1855, ou Gustave Courbet avec «  La sieste, pendant la saison des foins, montagnes du Doubs » 1869



François-André Vincent (Paris, 1746 – Paris, 1816), L’Agriculture, 1798, huile sur toile, Bordeaux, musée des Beaux-Arts. hauteur : 213 cm ; largeur : 313 cm

 



Jean François Millet « le semeur » 1850 huile sur toile, 101.6 x 82.6 cm

 



GUSTAVE COURBET  

« la sieste, pendant la saison des foins, montagnes du Doubs » 1869 huile sur toile 212x273

 



Constant Troyon

Bœufs allant au labour, effet de matin

En 1855

Huile sur toile

H. 262,0 ; L. 391,0 cm.

 

« Labourage nivernais » appelé sombrage, est effectué au début de l’automne, où l’on ouvre la terre pour l’aérer avant l’hiver.  On est face à un paysage avec une plaine vallonnée et fermée par un coteau boisé, il y a deux attelages de bœufs. Les bœufs du Charolais-Nivernais ont une robe claire, rousse et blanche, ils sont mis en valeur par la lumière froide et claire. La scène animalière laisse peu de place à l’homme représenté petit et dont le visage n’est pas bien précis. C’est un hymne au travail des champs opposé à la ville, à la province, et plus particulièrement au Nivernais, à ses traditions agricoles. Le tableau fut conservé à Paris au musée du Luxembourg, puis au Louvre à la mort de l’artiste avant de rejoindre le musée d’Orsay. La composition est divisée en deux parties, il y a un côté terrien et un autre côté aérien, très dégagé ; le bœuf au centre au pelage très clair a la tête tournée vers le spectateur, son œil brille et est très expressif. De l’écume sort de sa gueule, donnant une forme de mouvement, comme si l’image était prise sur le vif. On pourrait presque entendre sa respiration, le son de ses sabots. Son regard inclut le spectateur dans la scène. 








 

COURS 13 : L'ARTISTE ET LA SOCIETE (1ere SPE)

  I. L'ARTISTE ET LA SOCIÉTÉ : FAIRE OEUVRE FACE A L'HISTOIRE ET A LA POLITIQUE L'artiste peut utiliser son art pour faire part ...